La destitution du Président de la République et l’engagement de la responsabilité pénale des membres du gouvernement.

Alors que l’issue de la crise sanitaire semble à nouveau s’éloigner, et alors que la crise de confiance des électeurs à l’égard de leurs gouvernants ne fait que s’accentuer, il convient de détailler les canaux permettant « d’atteindre » juridiquement le Président de la République les membres du gouvernement. Ils sont au nombre de deux.

LA HAUTE COUR DE JUSTICE

La Haute Cour de justice – tribunal pénal particulier compétent pour juger le Président de la République – a été créée par les lois constitutionnelles de la Troisième République.

I/ Selon les dispositions initiales de la Constitution, le tribunal était composé de membres élus de l’Assemblée nationale et du Sénat, en nombre égal.

L’ordonnance n° 59-1 du 2 janvier 1959 portant loi organique sur la Haute Cour de justice précisait que les 24 juges étaient élus pour la durée de leur mandat parlementaire et qu’ils prêtaient serment devant l’assemblée dont ils étaient membres.

L’article 68 de la Constitution disposait initialement que le Président de la République n’était responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison, ne pouvant être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant, avant d’être jugé par la Haute Cour de justice.

Dans une décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 – Traité portant Statut de la Cour pénale internationale, le Conseil constitutionnel a indiqué  « qu’il résulte de l’article 68 de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d’une immunité ; qu’au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de justice, selon les modalités fixées par le même article« .

II/ La révision constitutionnelle du 23 février 2007 (Loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution publiée au Journal Officiel du 24 février 2007) a profondément transformé le régime de responsabilité du Président de la République.

L’article 67 de la Constitution prévoit désormais que le Président de la République est irresponsable pour les actes accomplis en cette qualité sauf dans les hypothèses de compétence de la Cour pénale internationale (art. 53-2) ou de la Haute Cour (art. 68, qui modifie les conditions précédemment requises pour engager la responsabilité du Président). En outre, s’agissant des actes accomplis avant le début de son mandat ou dépourvus de lien avec celui-ci, le Président de la République ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que de faire l’objet d’une action, d’un acte d’information, d’instruction ou de poursuite. Cette inviolabilité temporaire couvre ainsi tant le champ civil et administratif que le champ pénal, la réparation et la sanction. En contrepartie, il est expressément prévu que tout délai de prescription et de forclusion est suspendu et que les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle pourront reprendre un mois après la cessation des fonctions du Président de la République.

L’article 68 institue une procédure de destitution du Président de la République en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat, notion qui n’est définie ni par la nature, ni par la gravité du manquement mais par son caractère inconciliable avec la poursuite du mandat. La destitution est prononcée par le Parlement tout entier réuni en Haute Cour, instance qui remplace la Haute Cour de justice. La majorité requise est de deux tiers des membres présents, et seuls les votes favorables à la destitution sont comptés.

LA COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE

A l’occasion de la révision introduite par la loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993, le titre X de la Constitution, relatif à la responsabilité pénale des membres du Gouvernement, a substitué à leur jugement par la Haute Cour de Justice pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leur fonction, une procédure devant une nouvelle juridiction pénale, la Cour de justice de la République. L’article 68-3 de la Constitution prévoit que cette nouvelle procédure s’applique rétroactivement aux faits commis avant son adoption.

L’article 68-1 indique que les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis, qu’ils sont jugés par la Cour de justice de la République qui, à la différence de la Haute Cour de justice, est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu’elles résultent de la loi.

Selon l’article 68-2, la Cour de justice de la République comprend quinze juges : douze parlementaires élus, issus de l’Assemblée nationale et du Sénat, , en nombre égal, et trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la Cour.

Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d’une commission des requêtes composée de magistrats. Cette commission ordonne soit le classement de la procédure, soit sa transmission au procureur général près la Cour de cassation aux fins de saisine de la Cour de justice de la République.

Le procureur général près la Cour de cassation peut aussi saisir d’office la Cour de justice de la République sur avis conforme de la commission des requêtes.

La loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 prévoit que la Cour de justice de la République vote, après la clôture des débats, sur chaque chef d’accusation à la majorité absolue par bulletins secrets puis sur l’application de la peine infligée à un accusé déclaré coupable. Son arrêt peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation. Si l’arrêt est cassé, la Cour de justice doit être entièrement recomposée avant de juger à nouveau l’affaire. 

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