Gestion de crise et perquisitions : les puissants enfin touchés ?

La Cour de justice de la République (voir le billet qui lui a été consacré), qui avait ouvert une information judiciaire le 7 juillet pour « abstention de combattre un sinistre », a ordonné plusieurs perquisitions de domiciles et de bureaux le jeudi 15 octobre 2020.

Etaient notamment visés Monsieur Olivier Véran, Ministre de la santé, Madame Agnès Buzyn, ancienne ministre de la santé, Monsieur Edouard Philippe, ancien premier ministre, et Madame Sibeth Ndiaye, ancienne porte-parole du gouvernement, ainsi que Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, et Geneviève Chêne, la directrice générale de Santé Publique France.

Les lecteurs remarqueront que la parité a ainsi été totalement respectée.

La Cour avait reçu 90 plaintes contre des ministres. Neuf d’entre elles avaient été jugées recevables. L’une d’entre elles avait été déposée par un collectif de médecins, visiblement débordés eux aussi par la crise sanitaire.

De son côté, le parquet de Paris a ouvert le 9 juin une vaste enquête préliminaire, notamment pour « homicides involontaires » ou « mise en danger de la vie d’autrui ». Toujours à la suite de nombreuses plaintes reçues, qui concernaient l’organisation globale de la gestion de crise, et non des cas particuliers.

Le gouvernement est notamment accusé de “naviguer à vue”, ce qui est un délit pénal que les auteurs de ce blog ne connaissaient pas. D’autant que le gouvernement n’est pas le seul dans ce cas. Tout le monde navigue à vue, dans une situation inédite et face à un ennemi invisible et inconnu.

Si les réactions politiques ont montré une certaine émotion, voire une certaine consternation (creusant un peu plus le fossé avec ce qu’on appelle le peuple, plutôt satisfait : évoquer le gouvernement des juges ou la judiciarisation de la politique laisse un peu entendre que l’impunité est menacée), il semblerait qu’il ne faille en réalité pas attendre grand chose de ces perquisitions. Les magistrats ont surtout voulu, à notre sens, sauvegarder de potentiels éléments de preuve, face aux accusations des plaignants, dont certaines contenaient une argumentation suffisante pour que les magistrats décident de ces perquisitions.

Mais, sans aucun recul sur une situation, il leur sera de toute façon impossible de prendre une décision fondée et argumentée. Cela ne viendra vraisemblablement pas avant plusieurs années. Il ne s’agit pas d’une justice rapide, en fait, mais d’une justice réactive, et efficace.

En outre, rappelons que, pour qu’il y ait condamnation pénale, il ne faut pas qu’il y ait incompétence, ou impréparation, il faut qu’il y ait volonté de ne pas combattre une crise. “Abstention”, cela veut dire que le gouvernement a fait en sorte de laisse la crise prospérer. Quelles que soient les critiques que l’on peut lui faire, cela semble tout de même un peu excessif. Les tenants de la théorie du complot y croient peut-être, mais si on devait les prendre à leur propre jeu, il faudrait qu’ils nous expliquent pourquoi un gouvernement pro-business préfère confiner la population et arrêter totalement l’économie plutôt que de lutter efficacement contre une pandémie (provenant, qui plus est, et comme par hasard, pourrait-on dire, d’un pays communiste). En outre, quelles que soient les étiquettes que l’on peut mettre aux divers dirigeants de par le monde, il est évident que tous ont géré la crise à leur façon, sans qu’une seule solution miracle ait pu être trouvée.

Ces perquisitions, qui ont eu lieu le lendemain d’une allocution présidentielle, et le jour même d’une conférence de presse du premier ministre, montrent à notre sens une volonté du pouvoir judiciaire de montrer son indépendance à l’égard du pouvoir exécutif. Pour ne pas avoir à subir des accusations de collusion, comme lors de l’affaire du sang contaminé. Les juges se sont affirmés, et ont fait passer le message que personne n’était au-dessus des lois : si la Cour peut enquêter, alors elle peut condamner. Même s’il est probable, mais peut-être nous avançons-nous un peu, qu’il n’y aura pas suffisamment d’éléments pour condamner qui que ce soit au final. Voire que certaines plaintes pourraient être considérées comme abusives.

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