Jurisprudence COVID
- Tribunal administratif de Paris, mardi 28 juin 2022 Gestion de stocks de masques
ATTENTION : Le Tribunal administratif donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Le 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rendu une décision dans laquelle il a retenu la responsabilité pour faute de l’Etatdans la gestion du stock de masques antérieurement à l’émergence de la covid-19. En effet, selon celui-ci :
« la requérante est fondée à soutenir que l’Etat a commis une faute en s’abstenant de constituer un stock suffisant de masques permettant de lutter contre une pandémie liée à un agent respiratoire hautement pathogène. ».
Il retient de plus sa responsabilité pour faute dans la communication gouvernementale initiale relative au port du masque, pour la période antérieure à mai 2020 comme il le dit :
«la requérante est fondée à soutenir que de telles déclarations, qui ont pu avoir notamment pour effet de dissuader la population d’avoir recours à des masques alternatifs, revêtent, compte tenu de leur caractère contradictoire avec les données scientifiques disponibles, un caractère fautif».
Le tribunal administratif de Paris décide néanmoins de n’accorder aucune indemnité aux victimes de l’épidémie de covid-19 ou à leurs ayants-droits. En effet, il considère qu’il n’y a pas de lien de causalité suffisamment direct entre les fautes commises par l’Etat et les préjudices que revendiquent les victimes.
Résumé de la décision :
Le tribunal administratif de Paris retient plusieurs fautes de l’Etat dans la gestion de la crise sanitaire avant mai 2020.
Par une décision rendue le 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris reconnaît la responsabilité fautive de l’Etat dans la gestion du stock de masques antérieurement à l’émergence de la covid-19 puis dans la communication gouvernementale initiale relative au port du masque, pour la période antérieure à mai 2020. Il rejette toutefois les demandes indemnitaires formées par des victimes de l’épidémie ou leurs ayants-droit, en l’absence de lien de causalité suffisamment direct entre ces fautes et les préjudices invoqués.
- Conseil d’État, 21 mai 2021, Chambre de l’industrie hôtelière et touristique du Rhône et de Lyon métropole (n° 452294-452449) : Fermeture des discothèques.
Décisions 452294 et 452449 :
Plusieurs organisations représentant les professionnels des discothèques ont saisi le juge des référés du Conseil d’État pour qu’il ordonne au Gouvernement d’autoriser la réouverture de ces établissements au plus tard le 30 juin 2021. Alors que la situation sanitaire demeure préoccupante, le juge observe que l’activité dans ces espaces clos et ouverts de nuit inclut des contacts physiques rapprochés dans un contexte festif et qu’il est très difficile d’y garantir le respect des gestes barrières et le port du masque. Le juge des référés rejette ainsi la demande des organisations.
Le juge des référés relève que la situation sanitaire demeure préoccupante, avec un rythme de propagation du virus et une occupation des lits de réanimation qui demeure élevés sur l’ensemble du territoire.
Le juge observe que les discothèques présentent des risques de contamination propres. L’activité de danse qui y est pratiquée inclut des contacts physiques rapprochés et le contexte festif rend difficile le respect des règles de distanciation ou du port du masque. Aucune mesure autre que la fermeture, ni même la réouverture en format bar de nuit, ne peut apporter de garanties équivalentes pour maitriser le risque de contamination.
La situation des discothèques ne peut en outre être comparée à celles des autres établissements rouverts depuis le 19 mai, comme les bars qui ne peuvent d’ailleurs, à ce jour, ouvrir qu’en extérieur. Par ailleurs, l’autorisation éventuelle, à brève échéance, de concerts accueillant plus de 5 000 personnes, de rassemblements de plus de 1 000 personnes, des fêtes de mariage ou encore des bars à ambiance musicale n’est à ce jour qu’une annonce, sans effet juridique. Dans le cas où ces autorisations seraient données, le juge rappelle qu’il reviendra d’ailleurs au Gouvernement d’assurer que les différentes restrictions sont cohérentes entre elles, au regard des données sanitaires et des possibilités de réduire le risque de contamination.
Dans ces conditions, et alors que le gouvernement a pris l’engagement d’une réévaluation de sa position au regard de la situation sanitaire à la mi-juin 2021, le maintien de la fermeture des établissements de nuit n’est pas disproportionné, compte tenu de l’impératif de protection de la santé publique.
- Conseil d’État, 30 avril 2021, Mme DM…BU… et autres (n° 451849 et 451991) : Épreuves de BTS.
Décisions 451849 et 451991 :
300 étudiants et des associations ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre les épreuves du brevet de technicien supérieur (BTS) et de permettre sa validation grâce aux notes obtenues en contrôle continu. Le juge des référés observe que des moyens spécifiques ont été mis en place pour respecter les règles sanitaires et que les candidats pourront bénéficier cette année, d’une session de rattrapage en juillet et d’un dispositif d’accompagnement personnalisé. Pour ces raisons, le juge estime que le déroulement des épreuves de BTS ne porte pas atteinte de façon illégale au droit à la santé ou au principe d’égalité.
Le juge des référés constate qu’un protocole sanitaire renforcé a été mis en place dans les établissements scolaires et que des consignes spécifiques ont été adressées par le ministère de l’enseignement supérieur pour assurer le déroulement des épreuves dans le respect des règles sanitaires. Alors que 180 000 étudiants se présentent cette année, les épreuves sont étalées sur plusieurs semaines, dans environ 2 000 centres d’examen et seront encadrées par des personnels dédiés.
Le juge des référés constate également que la situation actuelle n’est pas identique à celle de 2020, ce qui justifie que les épreuves ne soient pas adaptées comme l’an passé. Il relève que des épreuves du baccalauréat sont maintenues en 2021.
Les candidats au BTS bénéficient en outre cette année d’une session de rattrapage en juillet et d’un dispositif d’accompagnement personnalisé dans le cas où ils ne pourraient pas se présenter aux épreuves. Si le déroulement des études et la préparation à l’examen ont été globalement difficiles et variables d’un étudiant à l’autre, cela ne suffit pas à rendre illégal le maintien des épreuves.
Pour ces différentes raisons, le juge des référés estime que le maintien des épreuves ne porte pas atteinte de façon illégale au droit à la vie ou à la santé des étudiants, ni aux principes d’égalité et d’égal accès à l’instruction, comme le soutenaient les requérants.
- Conseil d’État, 14 avril 2021, Association Comité professionnel des galeries d’art (n° 451085) : Fermeture des galeries d’art.
Décision 451085 :
Une association représentant les galeries d’art a saisi le juge du référé-liberté du Conseil d’État pour qu’il suspende la fermeture de ces galeries. Cette fermeture est la conséquence des nouvelles mesures de lutte contre l’épidémie en vigueur depuis le 19 mars dans seize départements et étendues à tout le territoire métropolitain le 2 avril.
Le juge des référés du Conseil d’État rejette aujourd’hui leur demande.
Il relève que la fermeture au public des galeries d’art crée une grave distorsion de concurrence avec les salles de vente, lesquelles sont autorisées, par exception, à ouvrir et porte atteinte à la liberté d’expression, la liberté de diffusion artistique et la liberté d’entreprendre.
L’atteinte ainsi portée à plusieurs libertés fondamentales, dont la liberté du commerce et de l’industrie et la liberté de création et de diffusion artistique, ne peut être admise que dans un contexte sanitaire marqué par un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d’autres affections.
Le juge des référés estime que la situation épidémiologique sur le territoire métropolitain est très préoccupante avec des indicateurs épidémiologiques et hospitaliers très fortement dégradés. La gravité de la situation sanitaire justifie donc la fermeture des galeries d’art.
- Conseil d’État, 10 avril 2021 (n° 450928) : Droit des étrangers.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-04-10/450928
Décision 450928 :
Deux demandeurs d’asile n’ont pas pu être transférés vers les pays de l’Union européenne responsables de l’examen de leur demande car ils avaient refusé de se soumettre à un test PCR. Considérant qu’ils s’étaient opposés à leur transfert, la préfecture a estimé qu’elle n’était pas à ce jour tenue d’enregistrer leur demande en France. Le ministère de l’Intérieur a demandé au Conseil d’État de confirmer cette position. Le premier demandeur n’ayant pas eu connaissance des conséquences de son refus, le Conseil d’État juge que sa demande d’asile doit être examinée en France. À l’inverse, le second demandeur s’étant soustrait intentionnellement au test, son délai de transfert est prolongé et la préfecture était en droit de lui refuser l’enregistrement.
« 5. Il résulte de l’instruction conduite que M. B…A… a refusé à plusieurs reprises de se soumettre à un test PCR –dont il n’est en tout état de cause pas établi par l’instruction qu’il aurait été réalisé dans des conditions illégales –obligatoire pour l’entrée sur le territoire de l’Allemagne de toute personne, y compris dans le cas où, comme pour M. B…A…, il aurait déjà été infecté. Il avait connaissance, comme il est établi par un procès-verbal faisant foi produit en défense, qu’une opposition au test de sa part ferait échec à un transfert qu’il ne souhaitait pas, auquel l’administration entendait procéder à des dates qu’elle avait anticipées, ainsi que le prouvent les documents appelés «demandes de routing d’éloignement». Par suite, dès lors que la production d’un résultat négatif à un test PCR est une condition nécessaire au caractère effectif du transfert, que l’intéressé ne fait état d’aucune raison médicale particulière justifiant une absence de consentement à ce test et qu’il connaissait la portée de son refus, il doit être regardé comme s’étant soustrait de manière intentionnelle et systématique à l’exécution du transfert organisé, se mettant ainsi en situation de fuite au sens de l’article 29 du règlement du 26juin2013. Il ne peut être utilement soutenu, en tout état de cause, que seraient méconnus l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au respect de la vie privée et familiale, ainsi que les dispositions de l’article 32 de ce règlement, ces dernières encadrant les « échanges de données concernant la santé avant l’exécution d’un transfert (… aux) seuls fins de l’administration de soins ou de traitements médicaux…», ce qui ne constitue pas la finalité du test PCR exigé en l’espèce, qui est une formalité obligatoire pour l’entrée sur le territoire d’un autre Etat membre. Dans ces conditions, le délai de transfert pouvait être étendu à 18 mois, de sorte qu’à la date de sa demande d’enregistrement d’une demande d’asile en procédure normale la France n’était pas responsable, cette prolongation du délai ayant été, ainsi que le prouvent la transmission via le réseau DubliNet produites en défense, notifiée aux autorités allemandes concernées. Par suite, le préfet de police a pu légalement refuser la demande de M.B…A…d’enregistrement d’une demande d’asile. »
- Conseil d’État, 9 avril 2021, Mme J…, M. G… H… et autres (n° 450884) : Mariages binationaux.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 450884 :
Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, le Premier ministre a pris des mesures de limitation des déplacements, notamment en provenance de l’étranger par une circulaire du 22 février 2021.
Bien que ce texte n’interdise pas formellement aux étrangers hors Union européenne d’entrer en France pour se marier avec un ou une Français(e), très peu de visas sont en réalité délivrés. Ces étrangers se retrouvent ainsi empêchés d’accéder au territoire français et de célébrer une cérémonie prévue à brève échéance.
Le juge des référés du Conseil d’État observe que ces déplacements concernent un faible nombre de couples et ne peuvent avoir qu’un impact limité sur la situation sanitaire en France, d’autant plus que l’obligation d’un test PCR négatif demeure. Il estime qu’il s’agit donc d’une atteinte disproportionnée à la liberté du mariage.
« 12. Dans ces conditions, et alors même que les dispositions applicables ne font pas obstacle à ce que, face à une situation de pandémie, le Premier ministre restreigne provisoirement, par des mesures réglementaires justifiées par des considérations sanitaires, les entrées sur le territoire national, en particulier en provenance de pays à risque, y compris en ce qui concerne les personnes qui, en temps normal, pourraient se voir délivrer un visa en vue de célébrer un mariage avec un Français en France, le moyen tiré de ce que les prescriptions contestées ne sont pas proportionnées en tant qu’elles ne prévoient aucun examen systématique des demandes de visa pour ce motif est, en l’espèce et en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur leur légalité. Il y a lieu, par suite, de suspendre l’exécution de la circulaire du Premier ministre n° 6248/SG du 22 février 2021 en tant que, d’une part, elle interdit l’enregistrement et l’instruction des demandes de visa en vue de se marier en France avec un Français et, d’autre part, elle n’autorise pas l’entrée sur le territoire des titulaires d’un tel visa. La présente décision implique qu’il soit enjoint, en application de l’article L.911-1 du code de justice administrative, d’une part, au Premier ministre, de prendre les mesures réglementaires strictement proportionnées aux risques sanitaires liés à l’entrée en France des personnes titulaires d’un visa délivré en vue de se marier en France avec un Français et, d’autre part, au ministre de l’intérieur, d’ordonner aux autorités consulaires de procéder systématiquement à l’enregistrement et l’instruction des demandes de visa en vue de se marier en France avec un Français. Enfin, si la présente décision fait obstacle à ce que la délivrance d’un tel visa soit refusée au seul motif de la situation sanitaire générale, elle n’en impose en rien la délivrance systématique. »
Conseil d’État, 2 avril 2021, M. A… B… (n° 450956) : Restrictions de déplacement des personnes vaccinées.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-04-02/429187
Décision 450956 :
Le 19 mars dernier, le Premier ministre a décidé de limiter les déplacements dans les 19 départements où la situation sanitaire est la plus critique.
Le requérant, qui réside dans l’un des départements concernés et qui a été vacciné, dénonce une atteinte à sa liberté d’aller et venir. Il demande au juge des référés de suspendre ces limitations pour toute personne ayant bénéficié de la vaccination contre la covid-19. Il considère que les mesures de restriction de déplacements, de couvre-feu et de confinement ne sont plus nécessaires et adaptées pour les personnes vaccinées
Le juge observe que la diffusion du virus s’est aggravée de manière significative sur l’ensemble du territoire, mettant fortement sous tension les hôpitaux, et conduisant à la généralisation des restrictions à tout le pays.
Bien que la vaccination assure une protection efficace, le juge des référés relève que les personnes vaccinées peuvent être porteuses du virus et contribuer à sa diffusion dans des proportions qui ne sont aujourd’hui pas connues. La levée des restrictions de déplacement pourrait dès lors aggraver le risque de contamination, notamment pour les personnes vulnérables qui sont majoritairement non vaccinées.
Pour ces différentes raisons, ces restrictions de déplacement, même pour les personnes vaccinées, n’apparaissent pas disproportionnées. C’est pourquoi le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande du requérant.
- Conseil d’État, 1er avril 2021, (n° 450956) : Vaccination et restriction des libertés.
Décision 450956 :
Les individus vaccinés, étant potentiels porteurs du virus et contribuant à sa diffusion dans des proportions qui ne sont aujourd’hui pas connues, demeurent soumis aux restrictions de liberté qui n’apparaissent donc pas disproportionnées.
« 7. Au regard de l’ensemble de ces éléments, s’il est vraisemblable, en l’état, que la vaccination assure une protection efficace des bénéficiaires, même si l’impact des évolutions de l’épidémie dues aux variants demeure incertain, les personnes vaccinées peuvent cependant demeurer porteuses du virus et ainsi contribuer à la diffusion de l’épidémie dans une mesure à ce stade difficile à quantifier, ce qui ne permet donc pas d’affirmer que seule la pratique des gestes barrières limiterait suffisamment ce risque. En conséquence, l’atteinte à la liberté individuelle résultant des mesures de couvre-feu et de confinement ne peut, en l’état, au regard des objectifs poursuivis, être regardée comme disproportionnée, en tant qu’elles s’appliquent aux personnes vaccinées. Dès lors, M. Benhebri n’est pas fondé à soutenir que les dispositions qu’il critique portent une atteinte manifestement illégale aux droits et libertés de nature à justifier que le juge des référés du Conseil d’Etat fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2. Il s’ensuit que les conclusions de sa requête ne peuvent qu’être rejetées, y compris en tant qu’elles tendent à ce que l’Etat verse une somme d’argent à M. Benhebri sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, qui, dès lors que l’Etat n’est pas la partie perdante, y font obstacle. »
- Conseil d’État, 29 mars 2021, (n°s 450893 et 451038) : Liberté de culte.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-03-29/450893
Décisions 450893 et 451038 :
L’impossibilité de se rendre dans un lieu de culte pendant le couvre-feu, y compris pendant la semaine de Pâques, ne porte pas une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de culte au regard de l’objectif de préservation de la santé publique.
« 10. En deuxième lieu, contrairement à ce qui avait été décidé lors du premier confinement, en application de l’article 47 du décret du 29 octobre 2010, les établissements de culte sont autorisés à rester ouverts et les cérémonies religieuses peuvent se tenir dans le respect d’un protocole sanitaire défini à ce même article. Il est donc possible de participer collectivement aux cérémonies religieuses organisés entre 6 heures et 19 heures. Il résulte de l’instruction que de nombreuses paroisses ont adapté leurs horaires pour tenir compte de ce couvre-feu en multipliant les offices et en avançant l’horaire des cérémonies se déroulant l’après-midi, notamment pendant la semaine de Pâques. Il résulte également de l’instruction que la conférence des évêques de France a proposé des aménagements liturgiques permettant de célébrer la vigile pascale en dépit des restrictions liées au couvre-feu. Dans ces conditions, l’impossibilité de se rendre dans un lieu de culte pendant le couvre-feu en vigueur de19 heures et 6 heures du matin, y compris pendant la semaine de Pâques, ne peut être regardée comme portant une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté de culte au regard de l’objectif de préservation de la santé publique »
- Conseil d’État, 12 mars 2021 (n° 450163) : Protection des données.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-03-12/450163
Décision 450163 :
L’hébergement des données des rendez-vous de vaccination par la filiale d’une société américaine comportait des risques au regard de demandes d’accès par les autorités américaines ne porte pas d’atteinte grave et manifeste à une liberté fondamentale, au vu des garanties mises en place et des données concernées (excluant les motifs médicaux d’éligibilité à la vaccination).
« 8. Il résulte de l’instruction que, pour accélérer la campagne de vaccination contre la Covid-19, la gestion de prise de rendez-vous de vaccination est assurée par trois sociétés différentes, dont la société Doctolib. Les données litigieuses comprennent les données d’identification des personnes et les données relatives aux rendez-vous mais pas de données de santé sur les éventuels motifs médicaux d’éligibilité à la vaccination, les personnes intéressées se bornant, au moment de la prise de rendez-vous, à certifier sur l’honneur qu’elles entrent dans la priorité vaccinale, qui est susceptible de concerner des adultes de tous âges sans motif médical particulier. Ces données sont supprimées au plus tard à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la date de rendez-vous, chaque personne concernée ayant créé un compte sur la plateforme pour les besoins de la vaccination pouvant le supprimer directement en ligne. La société Doctolib et la société AWS ont conclu un addendum complémentaire sur le traitement des données instaurant une procédure précise en cas de demandes d’accès par une autorité publique aux données traitées pour le compte de Doctolib prévoyant notamment la contestation de toute demande générale ou ne respectant pas la règlementation européenne. La société Doctolib a également mis en place un dispositif de sécurisation des données hébergées par la société AWS par le biais d’une procédure de chiffrement reposant sur un tiers de confiance situé en France afin d’empêcher la lecture des données par des tiers. Eu égard à ces garanties et aux données concernées, le niveau de protection des données de prise de rendez-vous dans le cadre de la campagne de vaccination contre la Covid-19 ne peut être regardé comme manifestement insuffisant au regard du risque de violation du règlement général de protection des données invoqué par les requérants. Si l’association requérante a également invoqué des risques liés au recours à d’autres prestataires qu’AWS, il ne résulte pas de l’instruction que ces prestataires interviendraient dans l’hébergement des données en litige. Ainsi, et sans qu’il soit besoin de saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’une demande d’avis, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que la décision du ministre des solidarités et de la santé de confier à la société Doctolib, parmi d’autres voies possibles de réservation de rendez-vous, la gestion de rendez-vous de vaccination contre la Covid-19 porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée et au droit à la protection des données personnelles. »
Le juge des référés considère que l’exigence de motif impérieux pour rentrer sur le territoire français porte une atteinte disproportionnée au droit fondamental d’accéder à son pays (Français rentrant des pays extra-européens). En revanche, la restriction des déplacements depuis et vers les Antilles françaises est justifiée au vu des flux majoritairement touristiques.
« 16. Il résulte de tout ce qui précède qu’en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que l’atteinte ainsi portée au droit fondamental qu’a tout Français d’accéder au territoire national ne serait ni nécessaire, ni proportionnée, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la disposition contestée. Il y a lieu, par suite, vu l’urgence, de suspendre l’exécution des articles 57-2 du décret du 16 octobre 2020 et 56-5 du décret du 29 octobre 2020 en tant qu’ils interdisent, sauf pour des motifs limitativement énumérés, l’entrée sur le territoire métropolitain d’un Français en provenance d’un pays étranger autre que ceux de l’Union européenne, Andorre, l’Australie, la Corée du Sud, l’Islande, Israël, le Japon, le Liechtenstein, Monaco, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, Saint-Marin, le Saint-Siège, Singapour ou la Suisse. »
- Conseil d’État, 12 mars 2021, n° 449743, 449830 et 449908 : Accès au territoire.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décisions 449743, 449830 et 449908 :
Le Conseil d’État juge contraire aux articles 5 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales la possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales ainsi que la prolongation de plein droit des délais maximaux de détention provisoire (articles 5 et 16 de l’ordonnance du 25 mars 202
Les effets pour le passé de l’annulation de ces mesures seront précisés, après examen des observations des requérants et de l’administration.
« 10. Ces dispositions permettent au juge d’imposer au justiciable le recours à des moyens de télécommunication audiovisuelle ou, le cas échéant, de communication téléphonique devant l’ensemble des juridictions pénales, notamment le tribunal correctionnel, la chambre des appels correctionnels, les juridictions spécialisées pour juger les mineurs en matière correctionnelle, ou lors du débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire ou à la prolongation de cette détention, à la seule exception des juridictions criminelles. Elles ne soumettent l’exercice de cette faculté à aucune condition légale et ne l’encadrent par aucun critère. Eu égard à l’importance de la garantie qui s’attache à la présentation physique du justiciable devant la juridiction pénale, ces dispositions portent une atteinte au droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que ne peut justifier le contexte de lutte contre l’épidémie de covid-19.
11. Il résulte de ce qui précède que l’article 5 de l’ordonnance attaquée est entaché d’illégalité.
(…)
24. Dès lors, l’article 16 de l’ordonnance attaquée, qui prévoit la prolongation de plein droit des délais maximums de détention provisoire pour une durée de deux, trois ou six mois, et l’article 17 de cette ordonnance, qui allonge les délais d’audiencement dans le cadre des procédures de comparution immédiate et de comparution à délai différé pour les personnes placées en détention provisoire dans l’attente de l’audience de jugement, méconnaissent les stipulations du paragraphe 3 de l’article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils sont par suite, comme l’article 15 de l’ordonnance et la circulaire du garde des sceaux du 26 mars 2020 en tant qu’ils concernent les dispositions de ces articles, entachés d’illégalité. »
- Conseil d’État, 05 mars 2021 (n° 440037) : Déroulement des instances.
https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/analyse/2021-03-05/440037
Décision 440037
Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres moyens des requêtes ni de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, que ne sont entachés d’illégalité que les articles 4, 5, 15, 16 et 17 de l’ordonnance attaquée, pour les motifs et dans les limites précisés par la présente décision, ainsi que la circulaire du garde des sceaux du 26 mars 2020, en tant qu’elle présente les dispositions illégales des articles 15, 16 et 17 de l’ordonnance.
Sur les conséquences de l’illégalité de certaines dispositions de l’ordonnance attaquée:
30. Afin de déterminer si l’annulation rétroactive de ces dispositions serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison des effets qu’elles ont produits et des situations qui ont pu se constituer quand elles étaient en vigueur, il y a lieu, avant de statuer sur les conclusions tendant à leur annulation, de recueillir sur ce point les observations des parties, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision.
31. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu, d’une part, de surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre les dispositions déclarées illégales par la présente décision et sur les conclusions présentées au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative, jusqu’à l’expiration du délai donné aux parties pour formuler leurs observations sur le point mentionné au point 30, d’autre part, de rejeter le surplus des conclusions des requêtes.
Conseil d’État, 3 mars 2021, Ordre des avocats du barreau de Montpellier (n° 449764) : Possibilité de se rendre chez son avocat doit être possible même après 18h malgré le couvre-feu.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 449764 :
Dans le cadre de l’état d’urgence déclaré afin de faire face à la nouvelle progression de l’épidémie de covid-19, tout déplacement de personne hors de son lieu de résidence est interdit entre 18 heures et 6 heures du matin. Aucune des exceptions prévues à cette interdiction ne permet spécifiquement aux personnes de se trouver hors de leur résidence pour se rendre chez un professionnel du droit ou un avocat.
La téléconsultation ne suffit pas à garantir dans tous les cas le secret des échanges entre l’avocat et son client
Le juge des référés relève, d’une part, que l’absence de toute dérogation spécifique pour consulter un professionnel du droit au-delà de 18 heures est de nature à rendre difficile voire, dans certains cas, impossible en pratique, l’accès à un avocat dans des conditions conformes aux exigences du respect des droits de la défense.
Le juge des référés relève d’autre part que, dans certains contentieux, tels ceux qui opposent un consommateur à un professionnel ou encore un employé à son entreprise, le couvre-feu est susceptible d’emporter pour les parties des contraintes inégales. Ainsi, l’exception générale autorisant actuellement les déplacements pour l’exercice de l’activité professionnelle peut permettre au professionnel ou au chef de l’entreprise de se rendre, après 18 heures, au cabinet de son avocat pour le consulter. En revanche, le consommateur ou l’employé en conflit avec ce professionnel ou cette entreprise n’ont pas la même faculté.
Par conséquent, le juge des référés estime que l’absence de toute dérogation permettant de se rendre au-delà de 18h chez un professionnel du droit, et notamment un avocat pour un acte ou une démarche qui ne peut pas être réalisé à distance, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale d’exercer un recours effectif devant une juridiction.
- Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 25 février 2021 (n° 20/10357): Assurances.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2021/UA8D76B15C7552AD85258
Décision 20/10357 :
L’assureur d’un restaurateur doit l’indemniser de ses pertes d’exploitation suite à la fermeture administrative de son établissement causée par l’épidémie de la covid-19. La clause d’exclusion de garantie, qui n’est pas suffisamment délimitée (Code des assurances, article L. 113-1) et qui prive l’obligation essentielle de garantie de sa substance, est réputée non écrite.
« Il résulte des différentes pièces produites par les parties que si une épidémie peut être définie comme étant le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population, cette population peut être celle d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville, d’une région, d’un ou de plusieurs pays.
Pour la garantie souscrite par la société le P* – + auprès de la compagnie AXA, aucune distinction n’est opérée quant à la population visée, aucune définition des termes maladie contagieuse et épidémie ne figure au contrat.
L’obligation essentielle de l’assureur est donc celle d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies suite à fermeture administrative en raison d’une épidémie.
Ici, c’est à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l’épidémie de coronavirus, dit Covid 19, et donc de la fermeture administrative en résultant, que l’assuré a subi des pertes d’exploitation dont il demande l’indemnisation. »
- Conseil d’État, 12 février 2021, Syndicat des avocats de France et autres (n° 448972, 448975 et 448981) : Suspension de la possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales autres que criminelles car elle porte en l’état, une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décisions 448972, 448975 et 448981 :
Le recours : Des organisations professionnelles d’avocats ont demandé au Conseil d’État de suspendre en urgence les dispositions de l’ordonnance du Gouvernement du 18 novembre 2020 permettant, au titre de l’état d’urgence sanitaire, d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés suspend la possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales autres que criminelles car elle porte en l’état, une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense.
- Conseil d’État, 5 fév. 2021, Association Robin des Lois (n° 449081) : Vaccination contre la Covid-19 pour les personnes détenues.
https://www.conseil-etat.fr/actualites/vaccination-contre-la-covid-19-pour-les-personnes-detenues
Décision 449081 :
Le recours : L’association Robin des Lois a demandé au juge des référés du Conseil d’État qu’il ordonne au Premier ministre de modifier l’instruction interministérielle du 15 décembre 2020, qui précise la première étape de la campagne de vaccination contre la Covid-19, afin d’inclure l’ensemble des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés observe que les détenus âgés de plus de 75 ans ou présentant des risques élevés de développer les formes graves ou mortelles de la maladie sont inclus dans la première phase de vaccination qui a commencé, à l’instar du reste de la population. Il ne retient pas d’obligation de vacciner en priorité la totalité des personnes incarcérées, car le risque de développer une forme grave de la Covid-19 n’apparait pas plus élevé pour les détenus que pour la moyenne de la population.
Le juge des référés estime que, malgré la vigilance particulière que requiert la situation dans les établissements pénitentiaires, la décision de ne pas inscrire l’ensemble des personnes détenues parmi les publics prioritaires de la première phase de la campagne vaccinale ne constitue pas une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale. Le juge rejette en conséquence la demande de l’association.
- Conseil d’État, 22 janv. 2021, La Cimade et autres ( n° 447878) : Délivrance des visas de regroupement familial.
Décision 447878 :
Le recours : Plusieurs associations représentant des étrangers et des requérants individuels ont saisi le juge des référés du Conseil d’État afin de demander la reprise de la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés suspend la décision du Gouvernement de ne plus délivrer de visas de regroupement familial pour ces personnes et d’imposer l’obtention d’un laissez-passer.
Il observe d’une part que le nombre des personnes bénéficiant du regroupement familial équivaut en temps normal à 60 personnes par jour, et que l’administration n’apporte aucun élément pouvant montrer qu’un tel flux pourrait contribuer de manière significative à augmenter le risque de propagation de la pandémie. Des mesures de dépistage et d’isolement peuvent par ailleurs s’appliquer à ces personnes, tout comme elles s’appliquent aujourd’hui aux personnes bénéficiant déjà d’une dérogation leur permettant d’entrer sur le territoire.
D’autre part, il constate que la mesure attaquée porte une atteinte grave au droit à la vie familiale normale de l’ensemble des intéressés et à l’intérêt supérieur des enfants en cause, qui perdure de manière continue depuis plus de dix mois. Si le droit de l’Union ne fait pas obstacle à la restriction provisoire des entrées sur le territoire national en raison de la pandémie, la décision contestée n’est pas proportionnée car elle ne prévoit pas de dérogations pour les bénéficiaires d’un regroupement familial.
- Conseil d’État, 23 décembre 2020, M. C. et autres (n° 447698) : Fermeture des cinémas, théâtres et salles de spectacles.
https://www.conseil-etat.fr/actualites/cinemas-theatres-salles-de-spectacles-le-juge-des-referes-ne-suspend-pas-leur-fermeture-en-raison-d-une-situation-sanitaire-nouvellement-degrad
Décision 447698 :
Le recours : Plusieurs dizaines d’artistes, des théâtres et des représentants des secteurs du spectacle et du cinéma ont saisi le juge du référé-liberté du Conseil d’État pour obtenir la suspension de la fermeture des cinémas, théâtres et salles de spectacles, ordonnée par le Gouvernement depuis le 29 octobre.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés ne suspend pas la fermeture des cinémas, théâtres et salles de spectacles.
Il reconnaît tout d’abord que cette fermeture porte une atteinte grave aux libertés, alors que les protocoles sanitaires mis en place permettent de réduire le risque de transmission du virus. Le risque de transmission du virus dans les cinémas, théâtres et salles de spectacle est ainsi plus faible que pour d’autres événements accueillant du public, dès lors que de tels protocoles sont effectivement appliqués.
Cette fermeture ne peut se justifier que dans un contexte sanitaire particulièrement défavorable, et n’est légale que tant que demeure un niveau particulièrement élevé de diffusion du virus au sein de la population, susceptible de compromettre à court terme la prise en charge, notamment hospitalière, des personnes contaminées et des patients atteints d’autres affections.
Au vu des données à sa disposition, le juge constate une dégradation de la situation sanitaire au cours de la période récente, à partir d’un plateau épidémique déjà très élevé. Cette situation pourrait se révéler plus préoccupante dans les semaines à venir, surtout avec la détection d’un nouveau variant du virus au Royaume-Uni. Dans ces conditions et compte tenu du caractère très évolutif de cette situation, le juge estime que la mesure de fermeture ne porte pas une atteinte manifestement illégale aux libertés en cause, et rejette donc la demande des requérants.
Conseil d’État, 11 décembre 2020, syndicat Domaines skiables de France et autres (n° 447208) : Fermeture des remontées mécaniques.
https://www.conseil-etat.fr/actualites/sports-d-hiver-le-conseil-d-etat-ne-suspend-pas-la-fermeture-des-remontees-mecaniques
Décision 447208 :
Le recours : Plusieurs collectivités territoriales et organisations représentant le secteur économique des sports d’hiver ont saisi le Conseil d’État en référé-liberté afin de demander la suspension de la fermeture au public des remontées mécaniques des stations de ski.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés rejette la demande des collectivités et organisations. S’il constate que la fermeture des remontées mécaniques aura des effets économiques très importants pour les zones concernées, il relève que la pandémie se maintient à un niveau élevé, créant ainsi une forte pression sur le système de santé, notamment dans les régions où se pratiquent les sports d’hiver.
Il juge en conséquence que cette fermeture, qui a pour objectif de limiter les contaminations supplémentaires occasionnées par des flux importants de déplacements, ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoquées par les requérants, et notamment à la liberté d’entreprendre.
- Conseil d’État, 8 décembre 2020, Union des métiers et des industries de l’hôtellerie et autres (n° 446715) : Fermeture des bars et restaurants.
Décision 446715 :
Le recours : L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) a demandé au Conseil d’État de suspendre la fermeture des bars et restaurants en France, décidée par le Gouvernement le 29 octobre dernier.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés ne suspend pas la fermeture des bars et restaurants.
Il observe que, selon les comités scientifiques français, les regroupements sociaux avec une forte densité de personnes constituent l’une des premières causes de transmission du covid-19, et que le risque de contamination s’aggrave lorsque les personnes restent longtemps dans un espace clos. Il note également qu’une étude scientifique publiée dans la revue Nature le mois dernier, a conclu que les restaurants et bars (comme les hôtels et les salles de sport) présentaient un risque significativement plus élevé de transmission du virus que les autres lieux de brassage de population, commerces notamment.
Le juge observe en outre que l’ensemble des hôpitaux français sont actuellement sous tension, et qu’une approche différenciée selon les territoires pour la fermeture des bars et restaurants, ne permettrait pas de casser la dynamique actuelle de progression du virus. Il en va de même de mesures moins restrictives, telles qu’un couvre-feu, qui ne seraient pas susceptibles d’aboutir à un effet sanitaire comparable à celui attendu de la fermeture.
Pour ces différentes raisons, le juge des référés estime que l’atteinte portée à la liberté du commerce et de l’industrie n’est pas excessive, compte tenu des risques encourus par la population au sein des bars et restaurants.
- Conseil d’État, 29 nov. 2020, Association Civitas (n° 446930) : Limite de 30 personnes dans les établissements de culte.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 446930 :
Le recours : Des associations cultuelles et un membre du clergé catholique ont saisi le Conseil d’État pour faire suspendre en urgence la limite de 30 personnes pour les rassemblements dans les établissements de culte, imposée par le Gouvernement.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés ordonne au Gouvernement de modifier cette limite sous trois jours, en l’adaptant par exemple à la superficie des établissements ou à leur capacité d’accueil, afin que celle-ci soit strictement proportionnée au risque sanitaire.
- Conseil d’État, 27 novembre 2020, Association des avocats pénalistes (n° 446712) : Suspension de la visio-conférence lors des audiences devant les cours d’assises et les cours criminelles.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 446712 :
Le recours : Plusieurs associations, des ordres d’avocats et un syndicat de magistrats ont demandé au Conseil d’État de suspendre l’ordonnance du 18 novembre 2020 du ministère de la Justice, qui a adapté plusieurs règles de procédure pénale, et permis notamment d’étendre les possibilités de recours à la visio-conférence.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés suspend la possibilité d’utiliser la visio-conférence, pendant le réquisitoire de l’avocat général et les plaidoiries des avocats, lors des audiences devant les cours d’assises et les cours criminelles.
Il estime que cette possibilité offerte durant les audiences porte une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable. En effet, l’oralité des débats tient une place spécifique devant la cour d’assises ou la cour criminelle en raison de la gravité des peines encourues et du rôle dévolu à l’intime conviction des magistrats et des jurés. La présence physique des parties civiles et de l’accusé sont essentiels durant le réquisitoire et les plaidoiries, en particulier lorsque l’accusé prend la parole en dernier.
Dans ces conditions, les contraintes liées à l’épidémie du covid-19, les avantages de la visio-conférence et les garanties dont elle est entourée ne suffisent pas à justifier l’atteinte ainsi portée aux principes fondateurs du procès criminel et aux droits des personnes physiques parties au procès.
- Conseil d’État, 13 novembre 2020, Société le Poirier-au-loup, M. Prats et autre (Nos 445883, 445886 et 445899) : Fermeture des librairies.
https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000042532337
Décisions 445883, 445886 et 445899 :
Le recours : Un magistrat, un éditeur et un bouquiniste ont saisi le Conseil d’État pour demander la réouverture au public des librairies qui sont, depuis le décret du Gouvernement du 29 octobre dernier, fermées en tant que « commerce non-essentiel ».
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés ne suspend pas la fermeture des librairies au public.
Le juge relève que les librairies contribuent à l’exercice effectif de la liberté d’expression ainsi qu’à la libre communication des idées et des opinions, et que les livres – s’ils ne sont pas des biens de première nécessité comme les produits alimentaires par exemple – présentent un caractère essentiel qui doit être pris en considération par le Gouvernement dans le cadre des mesures de confinement ou de déconfinement.
Il observe que la décision de fermer au public les librairies comme d’autres commerces répond, dans le contexte sanitaire actuel, à la nécessité de limiter au maximum les interactions entre les personnes, qui constituent la principale occasion de propagation du virus. Le juge relève en outre que les librairies peuvent rester ouvertes pour procéder aux activités de livraison et de retrait sur place des commandes (plus d’un tiers des librairies indépendantes pratiquent déjà la vente en ligne) et qu’elles bénéficient de mesures financières de soutien aux entreprises et de mesures complémentaires spécifiques. Il note enfin que la vente des livres dans les grandes surfaces a été interdite et que l’administration s’est engagée à l’audience à porter une attention particulière aux librairies lors de la réévaluation régulière du confinement actuel.
Pour ces différentes raisons, le juge des référés du Conseil d’État estime que la fermeture des librairies au public ne porte pas une atteinte grave et manifestement à la liberté du commerce et de l’industrie, à la libre concurrence, au principe d’égalité et à l’interdiction des discriminations.
- Conseil d’État, 8 octobre 2020, garde des Sceaux, Ministre de la justice c/ M. E… et autres (No 444741) : Masques et dépistage à la prison de Toulouse-Seysses.
Décision 444741 :
Le recours : Des avocats et des détenus ont saisi le tribunal administratif de Toulouse afin qu’il ordonne au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses, d’une part, la distribution de masques aux détenus dans tous les locaux clos et partagés ainsi que dans les cours de promenade, d’autre part, la mise en place d’une campagne de dépistage de la covid-19. Le juge des référés du tribunal a fait droit à l’ensemble de ces demandes. La ministre de la justice a fait appel de cette décision devant du Conseil d’État.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés du Conseil d’État observe tout d’abord qu’il existe une incertitude sur le point de savoir si, dans les faits, et comme cela est prévu depuis le mois de mai 2020, des masques sont systématiquement donnés aujourd’hui aux détenus lors de leurs contacts avec des personnes de l’extérieur (parloirs, salles d’entretien, d’activités, de visio-conférence, d’attente…). Il confirme donc l’injonction prononcée par le tribunal de fournir des masques aux détenus dans ces situations.
Concernant la mise à disposition de masques pour les activités sans contact avec l’extérieur, le juge note que plusieurs mesures ont été mises en œuvre, destinées à créer un « anneau sanitaire » autour des détenus : dépistage et isolement des nouvelles personnes incarcérées, port du masque par les personnels pénitentiaires, distanciation physique, etc. Le juge des référés observe également qu’il n’y a aucun cas de covid-19 avéré ou suspecté parmi les détenus de la prison à ce jour, et que l’établissement ne se trouve pas en zone d’alerte maximale. Pour ces raisons, il considère que l’absence de masques pour les activités sans contact avec l’extérieur ne constitue pas, à ce jour, une atteinte grave et manifestement illégale à des libertés fondamentales. Il annule donc la décision du tribunal administratif de Toulouse sur ce point.
Enfin, concernant la mise en place d’une campagne de dépistage, le juge des référés relève qu’une procédure est déjà prévue dans la prison : un détenu présentant des symptômes susceptibles d’être liés à la covid-19 est immédiatement isolé et testé, une procédure de traçage est mise en œuvre et, selon ses résultats, une campagne de dépistage est susceptible d’être organisée. Les requérants n’ayant pas apporté d’autres éléments attestant de la nécessité d’une campagne de dépistage systématique, le juge des référés du Conseil d’Etat annule également la décision du tribunal administratif de Toulouse sur ce point.
Conseil d’État, 6 septembre 2020, Ministre des solidarités et de la santé c/ Association « Les Essentialistes – région Auvergne-Rhône-Alpes » (No 443751) : Port obligatoire du masque à Lyon et Villeurbanne.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 443751 :
Le recours : Une association et deux particuliers ont saisi les tribunaux administratifs de Strasbourg et de Lyon pour contester l’obligation du port du masque sur la voie publique à Lyon et Villeurbanne ainsi qu’à Strasbourg et dans 12 autres communes du département du Bas-Rhin.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés considère que le port du masque peut être imposé sur des zones larges, afin que cette obligation soit cohérente et facile à appliquer pour les citoyens. Toutefois ces périmètres étendus doivent être délimités – et se justifier – par l’existence de plusieurs zones à fort risque de contamination. Le port du masque peut ainsi être imposé sur l’ensemble d’une ville densément peuplée comme Lyon ou Villeurbanne, mais doit être limité au centre-ville dans les communes moins denses.
- Conseil d’État, 13 juillet 2020, Société Plaza MAD et autres, Syndicat National des discothèques et lieux de loisirs (Nos 441449, 441552 et 441771) : Fermeture des discothèques.
Décisions 441449, 441552 et 441771 :
Le recours : Le Syndicat national des discothèques et lieux de loisirs (SNDLL) et plusieurs établissements de nuit ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre les décrets des 21 juin et 10 juillet 2020 qui maintiennent fermées les discothèques et salles de danse.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés a rejeté le recours du Syndicat et des établissements, estimant que la fermeture de ces lieux n’est pas une mesure disproportionnée dans le cadre de la lutte contre la pandémie, et qu’elle se justifie par le caractère clos des établissements, la nature de l’activité physique de la danse et la difficulté de garantir le respect des gestes barrières ou du port du masque dans un contexte festif.
L’attention doit être portée sur :
« il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, que puisse être garantie la possibilité d’assurer, par des contrôles effectifs, le respect d’une telle limitation d’activité, qui procèderait d’un simple engagement des exploitants et non d’un changement temporaire de catégorie administrative après mise en œuvre des procédures adéquates. »
- Conseil d’État, 7 juillet 2020, Société US Orléans Loiret Football, SASP Le Mans Football Club (Nos 441443 et 441450) : Relégation d’Orléans et du Mans en National 1 de football.
Décisions 441443 et 441450 :
19. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’urgence, que les conclusions des requêtes de la société US Orléans Loiret Football et de la SASP Le Mans Football Club dirigées contre la décision du comité exécutif de la Fédération française de football du 27 mai 2020, ainsi, par voie de conséquence, que celles dirigées contre la décision du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel du 5 juin 2020 et celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la Fédération française de football.
- Conseil d’État, 6 juillet 2020, Confédération Générale du Travail et autres, Association SOS Racisme (Nos 441257, 441263 et 441384) : Obligation d’obtenir une autorisation avant d’organiser une manifestation.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi
Décisions 441257, 441263 et 441384 :
Article 1er : Les interventions de l’association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (ATTAC) et de la Ligue des droits de l’homme sont admises.
Article 2 : L’exécution des dispositions du I et du II bis de l’article 3 du décret du 31 mai 2020 est suspendue en tant qu’elles s’appliquent aux manifestations sur la voie publique soumises à l’obligation d’une déclaration préalable en vertu de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure.
- Conseil d’État, 26 juin 2020, Ligue des droits de l’Homme (N° 441065) : Caméras thermiques à Lisses.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi
Décision 441065 :
27. Il résulte de ce qui précède que la Ligue des droits de l’homme est fondée à soutenir que c’est à tort que par l’ordonnance attaquée le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions à la fin de suspension du déploiement de ces caméras thermiques portables.
28. Il y a donc lieu d’annuler cette ordonnance et d’ordonner à la commune de Lisses de mettre fin sans délai à l’utilisation des caméras thermiques portables déployées dans les établissements scolaires.
29. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de la Ligue des droits de l’homme afin de versement par la commune de Lisses d’une somme d’argent sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Ligue des droits de l’homme, qui n’est pas la partie perdante, au profit de la commune de Lisses.
- Conseil d’État, 19 juin 2020, Association Le conseil national du logiciel libre et autres (N° 440916) : Plateforme Health Data Hub.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 440916 :
Article 1er : La Plateforme des données de santé, d’une part, fournira à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente décision, tous éléments relatifs aux procédés de pseudonymisation utilisés, propres à permettre à celle-ci de vérifier que les mesures prises assurent une protection suffisante des données de santé traitées sur le fondement de l’arrêté du 21 avril 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, conformément au point 35 de la présente décision, et, d’autre part, complétera, dans le même délai, les informations figurant sur son site internet relatives au projet portant sur l’exploitation des données de passages aux urgences pour l’analyse du recours aux soins et le suivi de la crise sanitaire du covid-19 conformément au point 37 de la présente décision.
La Plateforme des données de santé communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter la présente décision.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du Conseil national du logiciel libre et des autres requérants est rejeté.
- Conseil d’État, 13 juin 2020, M. A, Ligue des droits de l’Homme, Confédération Générale du Travail et autres (Nos 440846, 440856 et 441015) : Manifestations sur la voie publique.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne raison aux requérants l’ayant saisi !
Décisions 440846, 440856 et 441015 :
17. Par suite, l’interdiction posée au I de l’article 3 du décret du 31 mai 2020, dont il résulte de ce qui a été dit précédemment qu’elle doit être regardée comme présentant un caractère général et absolu à l’égard des manifestations sur la voie publique, ne peut, à ce jour, être regardée comme une mesure nécessaire et adaptée, et, ce faisant, proportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique qu’elle poursuit en ce qu’elle s’applique à ces rassemblements soumis par ailleurs à l’obligation d’une déclaration préalable en vertu de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure, que l’autorité investie des pouvoirs de police et le représentant de l’Etat demeurent en droit d’interdire dans les conditions mentionnées au point précédent, sous le contrôle du juge administratif, y compris le cas échéant saisi sur le fondement du livre V du code de justice administrative.
18. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que l’exécution de l’article 3 du décret du 31 mai 2020 porte à ce jour une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales mentionnées au point 10 en tant que l’interdiction qu’il prévoit en son I s’applique aux manifestations sur la voie publique soumises à l’obligation d’une déclaration préalable en vertu de l’article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure. La condition d’urgence devant être également regardée comme remplie, eu égard à l’imminence de plusieurs des manifestations prévues dont les requérants se prévalent, il y a lieu de faire droit à leurs conclusions tendant à ce que soit ordonnée dans cette mesure la suspension de l’exécution de ces dispositions, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette suspension d’une injonction.
- Conseil d’État, 11 juin 2020, Association Blanc Mesnil Sport Football, Causse Limargue FC et autres (Nos 440439 et 440966) : Championnats de football amateurs.
Décisions 440439 et 440966 :
17. Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des moyens soulevés n’est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Il y a lieu, par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’urgence, de rejeter les requêtes présentées, d’une part, par l’association Blanc Mesnil Sport Football et, d’autre part, par l’association Causse Limargue FC et autres, y compris leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la Fédération française de football au même titre.
- Conseil d’État, 9 juin 2020, Olympique Lyonnais Groupe et autre, SASP Toulouse Football Club, SASP Amiens SC (Nos 440809, 440813 et 440824) : Ligue 1 de football.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne (en partie) raison aux requérants l’ayant saisi !
Décisions 440809, 440813 et 440824 :
Article 1er : L’intervention de la communauté d’agglomération Amiens métropole est admise sous le n° 440824.
Article 2 : L’exécution de la décision du 30 avril 2020 par laquelle le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel a prononcé la relégation en Ligue 2 des deux clubs arrivés en dix-neuvième et vingtième position du classement 2019-2020 de Ligue 1 est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint à la Ligue de football professionnel, en lien avec les instances compétentes de la Fédération française de football, de réexaminer, d’ici au 30 juin 2020 la question du format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021, au vu de l’ensemble des éléments disponibles à la date de ce réexamen et relatifs aux conditions dans lesquelles cette saison est susceptible de se dérouler, et d’en tirer les conséquences quant au principe des relégations.
Article 4 : La requête n° 440809, le surplus des conclusions des requêtes n° 440813 et 440824, ainsi que les conclusions présentées par la Ligue de football professionnel sous les n° 440813 et 440824 sont rejetés.
- Conseil d’État, 8 juin 2020, Syndicat médecins, ingénieurs, cadres et techniciens CGT du Centre Hospitalier Universitaire de Lille (N° 440701) : Recommandations d’utilisation des masques FFP2.
Décision 440701 :
13. Enfin, les dotations de masques FFP2 sont allouées aux établissements de santé sur la base d’un ratio de 4 masques par professionnel et par semaine, tous métiers confondus, correspondant à la distribution hebdomadaire de 6,8 millions de masques FFP2 aux établissements de santé pour la France entière. Il résulte des pièces versées au dossier, à la demande du juge des référés, que si, au cours de la semaine du 11 mai 2020, le ministère des solidarités et de la santé est resté en-deçà de l’objectif qu’il s’était fixé, il a pu toutefois répartir entre les groupements hospitaliers de territoire, pour leur distribution aux établissements de santé, au cours de la semaine du 18 mai, dernière semaine pour laquelle l’ensemble des chiffres sont disponibles, 6,9 millions de masques FFP2, dont 296 000 au profit des établissements de santé situés, comme le centre hospitalier universitaire de Lille, dans le département du Nord. Si le syndicat requérant fait valoir qu’un minimum de 10 masques FFP2 par professionnel et par semaine serait nécessaire pour ne pas dépasser une durée d’utilisation de quatre heures de chaque masque, la dotation est calculée, ainsi qu’il a été dit, comme une moyenne par rapport à l’ensemble des personnels, y compris administratifs, travaillant en établissement de santé et équivaut à une dotation de 10 masques par semaine au profit de 40 % du personnel. Il n’apparaît pas qu’une telle dotation traduise à ce jour, en l’état des données disponibles, une carence manifeste de l’Etat dans la couverture des besoins des personnels effectivement exposés au risque de contracter la maladie.
14. En définissant une « doctrine d’utilisation » des masques FFP2 qui établit des priorités conformes aux recommandations internationales, dans un contexte de forte tension d’approvisionnement en appareils de ce type, qui peut connaître des difficultés selon les arrivées des matériels commandés à l’étranger, et en mettant en œuvre le maximum de moyens pour assurer un approvisionnement régulier et équitable au profit des établissements de santé, permettant un usage, dans la mesure du possible, plus large des masques FFP2, eu égard à leur capacité filtrante supérieure, alors que des débats scientifiques demeurent sur la transmission du virus par aérosol, l’Etat ne peut être regardé comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales qu’invoque le syndicat requérant. Les conclusions de la requête du syndicat Médecins, ingénieurs, cadres et techniciens CGT du centre hospitalier universitaire de Lille doivent dès lors être rejetées, y compris celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
- Conseil d’État, 8 juin 2020, Association ELENA France et autres, GISTI et autre, Conseil national des barreaux (Nos 440717, 440812 et 440867) : Juge statuant seul et recours à la visioconférence à la CNDA (Cour Nationale du Droit d’Asile).
Décisions 440717, 440812 et 440867 :
14. En dépit des difficultés particulières de fonctionnement de la Cour nationale du droit d’asile dans les circonstances causées par l’épidémie de covid-19, de la proportion des membres des formations collégiales de la Cour susceptibles d’être regardés comme des personnes particulièrement vulnérables à cette maladie et de la durée d’application limitée des dispositions contestées, qui n’est en l’état prévue que jusqu’au 10 juillet 2020, le moyen tiré de ce que ces dispositions ne seraient pas justifiées et proportionnées au regard de l’habilitation donnée par l’article 11 de la loi du 23 mars 2020, compte tenu de l’état de la situation sanitaire à la date à laquelle elles ont été adoptées, est, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des dispositions critiquées, eu égard au caractère général et systématique de la dérogation adoptée, qui n’est pas limitée à des hypothèses pouvant être justifiées par les caractéristiques des affaires, et à la particulière importance que revêt, pour les demandeurs d’asile, la garantie d’un examen de leur recours par une formation collégiale telle qu’instituée en principe par le législateur.
17. En revanche, les moyens soulevés ne paraissent pas de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des dispositions modifiant l’article 7 de l’ordonnance du 25 mars 2020, résultant du 3° de l’article 1er de l’ordonnance du 13 mai 2020.
Article 1er : L’exécution des dispositions du 2° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-558 du 13 mai 2020 est suspendue.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
- Conseil d’État, 22 mai 2020, Syndicat des jeunes médecins (N° 440321) : Matériel de protection pour les professionnels de santé.
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/conseil-d-etat-22-mai-2020-materiel-de-protection-pour-les-professionnels-de-sante
Décision 440321 :
15. S’il n’est pas contesté qu’à ce jour, ces mesures n’ont pas encore permis de résorber entièrement la pénurie de sur-blouses, soulignée par le syndicat requérant, à laquelle sont confrontés de nombreux professionnels prenant en charge des patients atteints de covid-19, elles sont de nature à y remédier d’ici le début du mois de juin. Dans ces conditions, il n’apparaît pas qu’à la date de la présente ordonnance, il puisse être reproché à l’État une carence de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à l’une des libertés fondamentales mentionnées au point 3.
- Conseil d’État, 22 mai 2020, Alliance Vita, Association Juristes pour l’enfance, Association Pharmac’éthique (Nos 440216 et 440317) : IVG médicamenteuse à domicile durant l’état d’urgence sanitaire.
Décisions 440216 et 440317 :
Le recours : Les associations Alliance Vita, Juristes pour l’enfance et Pharmac’éthique ont demandé au Conseil d’État de suspendre l’arrêté du 14 avril 2020 du ministre chargé de la santé. Cet arrêté permet, durant l’état d’urgence sanitaire, de réaliser une interruption volontaire de grossesse (IVG) par voie médicamenteuse, à domicile et par téléconsultation, et ce, jusqu’à 7 semaines de grossesse.
La décision du Conseil d’État : Le juge a rejeté cette demande.
- Conseil d’État, 18 mai 2020, Association « La Quadrature du Net » et la Ligue des droits de l’Homme (Nos 440442 et 440445) : Surveillance par drones.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne raison aux requérants l’ayant saisi !
Décisions 440442 et 440445 :
18. Il s’ensuit que le dispositif litigieux constitue un traitement de données à caractère personnel qui relève du champ d’application de la directive du 27 avril 2016. Ce traitement, qui est mis en œuvre pour le compte de l’Etat, relève dès lors des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés qui sont applicables aux traitements compris dans le champ d’application de cette directive parmi lesquelles l’article 31 impose une autorisation par arrêté du ou des ministres compétents ou par décret, selon les cas, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Compte tenu des risques d’un usage contraire aux règles de protection des données personnelles qu’elle comporte, la mise en œuvre, pour le compte de l’Etat, de ce traitement de données à caractère personnel sans l’intervention préalable d’un texte réglementaire en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation devant obligatoirement être respectées ainsi que les garanties dont il doit être entouré caractérise une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée.
19. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre à l’Etat de cesser, à compter de la notification de la présente ordonnance, de procéder aux mesures de surveillance par drone, du respect, à Paris, des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement tant qu’il n’aura pas été remédié à l’atteinte caractérisée au point précédent, soit par l’intervention d’un texte réglementaire, pris après avis de la CNIL, autorisant, dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 applicables aux traitements relevant du champ d’application de la directive du 27 avril 2016, la création d’un traitement de données à caractère personnel, soit en dotant les appareils utilisés par la préfecture de police de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées.
20. L’association « La Quadrature du Net » et la Ligue des droits de l’homme sont donc fondées à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance qu’elles attaquent, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leurs requêtes. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, la somme de 3 000 euros à verser à chacune des requérantes au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Conseil d’État, 18 mai 2020, 5 requérants et 4 ordonnances rendues : Rassemblements dans les lieux de culte.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne raison aux requérants l’ayant saisi !
Ordonnances liées aux rassemblements dans les lieux de culte :
Le recours : Plusieurs associations et requérants individuels ont saisi le juge des référés du Conseil d’État pour faire suspendre l’interdiction de tout rassemblement ou réunion au sein des lieux de culte, qui a été maintenue comme durant le confinement par le décret n°2020-548 du 11 mai 2020.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés a ordonné au Premier ministre de modifier, dans un délai de huit jours, le décret du 11 mai 2020 en prenant les mesures strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu applicables en ce début de « déconfinement », pour encadrer les rassemblements et réunions dans les établissements de culte.
Le juge a rappelé que la liberté de culte, qui est une liberté fondamentale, comporte également parmi ses composantes essentielles le droit de participer collectivement à des cérémonies, en particulier dans les lieux de culte. Elle doit, cependant, être conciliée avec l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
Le juge des référés a relevé que des mesures d’encadrement moins strictes que l’interdiction de tout rassemblement dans les lieux de culte prévue par le décret sont possibles, notamment compte tenu de la tolérance des rassemblements de moins de 10 personnes dans d’autres lieux ouverts au public dans le même décret. Il juge donc que l’interdiction générale et absolue présente un caractère disproportionné au regard de l’objectif de préservation de la santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de cette composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté.
- Conseil d’État, 15 mai 2020, Collectif des maires antipesticides (N° 440346) : Distances d’épandage de pesticides à proximité des habitations.
Décision 440346 :
10. Il résulte cependant de l’instruction que les distances minimales en cause sont conformes aux préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dans son avis du 4 juin 2019 au vu duquel a été pris l’arrêté, avis qui est fondé sur des calculs d’exposition des riverains aux produits en cause lorsqu’ils sont effectivement présents à leur domicile au moment de leur épandage, comme c’est particulièrement le cas dans la période actuelle. En outre, la mesure en cause, si elle permet aux agriculteurs, dans les départements dans lesquels un projet de charte d’engagements a été élaboré conformément aux exigences des articles D. 253-46-1-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et de l’arrêté du 4 mai 2017 modifié et de son annexe 4, et soumis effectivement à la concertation publique, notamment par la mise en œuvre effective des mesures de publicité prévues par l’article D. 253-46-1-3 de ce code, d’appliquer le contenu du projet de charte sans attendre son approbation par le préfet, n’a ni pour objet ni pour effet de priver les populations concernées de l’information à laquelle elles ont droit sur l’existence et le contenu d’un projet de charte ni du bénéfice d’une concertation effective avant l’approbation du projet de charte par le préfet. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que cette mesure soit de nature à présenter un risque imminent pour la santé ni à compromettre la concertation prévue par les articles R. 253-46-1-1 et suivants du même code.
12. Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être regardée comme remplie. Par suite, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition tenant à l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de l’instruction en cause, les conclusions de la requête de l’association Générations futures et autres doivent être rejetées.
- Conseil d’État, 7 mai 2020, Garde des Sceaux ministre de la justice c. Ordre des avocats du barreau de la Martinique (N° 440151) : Prison de Ducos.
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/conseil-d-etat-7-mai-2020-prison-de-ducos-martinique
Décision 440151 :
33. Il résulte de l’instruction, en particulier des échanges au cours de l’audience publique et des éléments produits par le ministère de la justice à son issue, que l’administration est en mesure, avec une capacité de dépistage évaluée, sur le territoire de la Martinique, à 460 tests par jour sur 6 jours par semaine, de mettre effectivement en œuvre les consignes arrêtées par la note du 9 avril 2020. En ce qui concerne le centre pénitentiaire de Ducos, l’application de cette instruction combinée avec les modalités de prise en charge médicale arrêtées au sein de cet établissement se traduirait de la manière suivante. Le premier cas symptomatique détecté parmi les personnes détenues ferait l’objet d’un test de dépistage virologique. Dans le cas où il serait confirmé, cette personne ferait l’objet d’un confinement sanitaire ou, le cas échéant, d’une prise en charge hospitalière. L’ensemble des personnes détenues ayant été en contact direct avec cette personne seraient placées, à titre préventif, en quatorzaine. Si, pendant la durée de ce confinement sanitaire, apparaissaient d’autres cas symptomatiques, ils feraient alors l’objet d’un test de dépistage, ainsi que le recommande, dans pareille hypothèse, la note du 9 avril 2020. Dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, eu égard aux critères, constamment ajustés, retenus en l’état des disponibilités des tests, pour effectuer les dépistages, et qui sont appelés à évoluer après le 11 mai 2020, que l’absence de dépistage systématique de l’ensemble des personnes détenues ayant été en contact direct avec une personne présentant les symptômes du covid-19 révélerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
- Conseil d’État, 7 mai 2020, Ministre de l’Intérieur c/ l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers » et autres (N° 440255) : Étrangers atteints du covid-19 au CRA (Centre de rétention administrative) de Vincennes.
Décision 440255 :
18. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’intérieur est fondé à soutenir que le maintien au centre de rétention administrative de Vincennes d’étrangers testés positifs au covid-19 ne porte pas, en l’état de l’instruction, une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie, au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou au droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé. Il y a lieu, par suite, de faire droit aux conclusions de sa requête d’appel tendant à l’annulation de l’article 3 de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du 15 avril 2020. Les dispositions de l’article L. 761 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par l’association « Avocats pour la défense des droits des étrangers » et autres tendant à leur application et à celle de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, non plus qu’à leurs conclusions tendant à ce que les défendeurs retenus au centre de rétention administrative soient admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.
- Conseil d’État, 30 avril 2020, Ministre de l’Intérieur et Office français de l’immigration et de l’intégration (Nos 440250 et 440253) : Enregistrement des demandes d’asile en Île-de-France.
Décisions 440250 et 440253 :
À la suite d’un recours de sept associations dont la Ligue des droits de l’Homme et le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et de sept particuliers, le tribunal administratif de Paris a ordonné à l’administration le rétablissement du dispositif d’enregistrement des demandes d’asile en Ile-de-France, supprimé en mars dernier. Le ministère de l’intérieur et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) ont demandé l’annulation de cette décision au Conseil d’État.
La décision du Conseil d’État : Le juge des référés a ordonné au ministre de l’intérieur et à l’OFII de rétablir dans un délai de cinq jours et dans les conditions sanitaires imposées par le covid-19, l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité de celles émanant des personnes présentant une vulnérabilité particulière, et de rouvrir la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous.
Le juge des référés a rappelé qu’il s’était déjà prononcé le 9 avril dernier sur la question du droit d’asile durant le confinement. Il avait alors considéré qu’il ne lui était pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale, car l’administration s’était engagée à poursuivre l’enregistrement des demandes des personnes vulnérables et à recenser les personnes qui avaient l’intention de déposer une demande. Toutefois le juge observe à présent, selon les différents éléments qui lui ont été présentés ou qu’il a demandés, que les permanences assurées dans les préfectures pour les demandes des personnes vulnérables sont insuffisantes et que le recensement annoncé n’a pas été mis en œuvre.
- Conseil d’État, 30 avril 2020, Fédération française des usagers de la bicyclette (N° 440179) : Usage du vélo durant l’état d’urgence sanitaire.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne raison aux requérants l’ayant saisi
Décision 440179 :
8. Or, d’une part, la faculté de se déplacer en utilisant un moyen de locomotion dont l’usage est autorisé constitue, au titre de la liberté d’aller et venir et du droit de chacun au respect de sa liberté personnelle, une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
9. D’autre part, si les cyclistes qui s’estiment verbalisés à tort peuvent, devant le juge judiciaire, contester l’infraction qui leur est reprochée, la faculté reconnue à l’administration, en vertu des dispositions rappelées au point 3, d’exécuter d’office les mesures prescrites en application du décret du 23 mars 2020 est de nature à conduire, en cas d’interdiction de déplacement opposée, à tort, à raison du seul usage d’une bicyclette, à ce que le cycliste contrôlé soit tenu de descendre de son véhicule et de poursuivre son trajet à pied.
10. Dans ces conditions, compte tenu de l’incertitude qui s’est installée, à raison des contradictions relevées dans la communication de plusieurs autorités publiques, sur la portée des dispositions de l’article 3 du décret du 23 mars 2020, particulièrement en ce qui concerne l’activité physique, quant à l’usage de la bicyclette et des conséquences de cette incertitude pour les personnes qui utilisent la bicyclette pour leurs déplacements autorisés, l’absence de diffusion publique de la position gouvernementale mentionnée au point 6 doit être regardée, en l’espèce, comme portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant que le juge du référé-liberté fasse usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 521-2 du code de justice administrative et enjoigne au Premier ministre de rendre publique, sous vingt-quatre heures, par un moyen de communication à large diffusion, la position en question.
- Conseil d’État, 20 avril 2020, Ordre des avocats au barreau de Marseille et ordre des avocats au barreau de Paris (Nos 439983 et 440008) : Protection des avocats.
Décisions 439983 et 440008 :
18. Il appartient à l’État d’assurer le bon fonctionnement des services publics dont il a la charge. Il doit, à ce titre, dans le cadre de la lutte contre le covid-19, veiller au respect des règles d’hygiène et de distance minimale entre les personnes afin d’éviter toute contamination. Il doit également, lorsque la configuration des lieux ou la nature même des missions assurées dans le cadre du service public conduisent à des hypothèses inévitables de contacts étroits et prolongés, mettre à disposition des intéressés des équipements de protection, lorsqu’ils n’en disposent pas eux-mêmes. Cependant, face à un contexte de pénurie persistante à ce jour des masques disponibles, il lui appartient d’en doter d’abord ses agents, à l’égard desquels il a, en sa qualité d’employeur, une obligation spécifique de prévention et de sécurité pour garantir leur santé et, tant que persiste cette situation de pénurie, d’aider les avocats qui, en leur qualité d’auxiliaires de justice, concourent au service public de la justice, à s’en procurer lorsqu’ils n’en disposent pas par eux-mêmes, le cas échéant en facilitant l’accès des barreaux et des institutions représentatives de la profession aux circuits d’approvisionnement. Pour le gel hydro-alcoolique, pour lequel il n’existe plus la même situation de pénurie et les avocats sont donc en mesure de s’en procurer par eux-mêmes, il appartient à l’Etat d’en mettre malgré tout à disposition, lorsque l’organisation des lieux ou la nature même des missions ne permettent pas de respecter les règles de distanciation sociale.
19. Il s’ensuit qu’eu égard à l’office du juge des référés, qui ne peut ordonner que des mesures susceptibles d’être prises à très bref délai, aux mesures prises par le Gouvernement, exposées aux points 11 à 16, et aux moyens dont dispose actuellement l’administration, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, que l’absence de distribution de masques de protection aux avocats lors des entretiens de garde à vue dans les locaux des commissariats, lors de la préparation de la défense dans le cadre des comparutions immédiates et, plus généralement, dans les circonstances où la présence d’un avocat est requise auprès d’un justiciable pour l’exercice des droits de la défense révèlerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées justifiant que le juge des référés ordonne les mesures de sauvegarde demandées.
- Conseil d’État, 20 avril 2020, Association Respire (N° 440005) : Restriction des épandages agricoles.
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/conseil-d-etat-20-avril-restriction-des-epandages-agricoles
Décision 440005 :
10. Toutefois, il résulte des éléments versés au dossier et des échanges lors de l’audience publique que, en premier lieu, l’étude chinoise, qui porte au demeurant non sur le Covid-19 mais sur le SRAS, concerne la pollution de l’air en général, notamment la pollution au dioxide de carbone laquelle a été fortement réduite à la suite de la très forte diminution des activités de transports, et non la pollution aux seules particules PM10 et PM2,5 visée par l’association requérante dans la présente requête. En deuxième lieu, si l’étude américaine porte sur les conséquences des différences d’exposition aux particules PM2,5 suivant les Etats des Etats-Unis sur la gravité de l’épidémie de covid-19 pour la population concernée, elle se fonde sur une exposition de long terme, retenant des durées d’exposition de plusieurs années minimum et pouvant aller jusqu’à dix à quinze ans, ce qui n’est guère pertinent pour apprécier les conséquences d’une exposition limitée à quelques semaines seulement correspondant aux mesures urgentes et nécessairement provisoires que le juge des référés a le seul pouvoir d’ordonner. En dernier lieu, si l’étude italienne porte sur le lien entre les dépassements du seuil de 50 µg / m³ pour les PM10 survenus en Lombardie sur la période du 10 au 29 février 2020 et sur la virulence de l’épidémie de covid-19 dans cette région à compter du 3 mars de cette année, cette étude, qui au demeurant, n’a, à ce stade, pas encore fait l’objet d’une publication par une revue scientifique dotée d’un comité de lecture, concerne les effets de dépassements du seuil correspondant au seuil d’information et de recommandation de l’arrêté du 7 avril 2016, dépassements qui, outre qu’ils ont été répétés en Lombardie au cours de la période objet de l’étude, conduiraient s’ils survenaient en France, à l’application du dispositif prévu par l’arrêté du 7 avril 2016 qui concerne précisément, ainsi qu’il a été dit, les mesures à prendre pour limiter la survenue et la durée de ces dépassements.
11. En outre, il incombe à l’administration, qui a confirmé lors de l’audience publique qu’elle assure une surveillance quotidienne des niveaux de pollution à la fois au plan central et au plan local, de faire preuve d’une vigilance particulière dans le contexte actuel d’état d’urgence sanitaire en veillant à ce que soit pris, au besoin préventivement en cas de menace avérée de franchissement des seuils, des mesures propres à éviter la survenue ou au moins à réduire la durée des épisodes de franchissement des seuils, notamment en limitant les pratiques agricoles polluantes, l’activité agricole demeurant, en raison de la très forte diminution des pollutions liées à l’industrie et aux transports, la principale source d’origine humaine d’émission de particules PM10 et PM2,5 avec celle provenant du secteur résidentiel, à plus forte raison dans la période actuelle d’épandage.
- Conseil d’État, 18 avril 2020, Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT (FTM-CGT) (N° 440012) : Fermeture des entreprises de la métallurgie.
Décision 440012 :
12. D’autre part, il résulte de l’instruction que pour prendre en compte les risques spécifiques résultant de l’épidémie actuelle pour les travailleurs des entreprises, notamment de la métallurgie,
-le ministère du travail a élaboré et diffusé des recommandations pour aider les entreprises dans la mise en œuvre des mesures d’organisation du travail rendues nécessaires, certes sans élaborer de guide spécifique à la métallurgie, la priorité ayant été donnée aux entreprises accueillant du public, et le travail de déclinaison des consignes générales ne pouvant être effectué de manière utile que dans chaque entreprise,
-les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les services d’inspection du travail ont reçu des instructions pour adapter leur action aux circonstances exceptionnelles résultant de l’épidémie,
-les services de santé au travail ont vu leurs pouvoirs accrus en matière de lutte contre le covid-19 par l’article 1er de l’ordonnance du 1er avril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle, aux termes duquel « les services de santé au travail participent à la lutte contre la propagation du covid-19, notamment par : 1° La diffusion, à l’attention des employeurs et des salariés, de messages de prévention contre le risque de contagion ; 2° L’appui aux entreprises dans la définition et la mise en œuvre des mesures de prévention adéquates contre ce risque ; 3° L’accompagnement des entreprises amenées, par l’effet de la crise sanitaire, à accroître ou adapter leur activité »,
-la même ordonnance, par son article 2, a qualifié les médecins du travail pour « prescrire et, le cas échéant, renouveler un arrêt de travail en cas d’infection ou de suspicion d’infection au covid-19 ou au titre des mesures de prévention prises en application de l’article L. 16-10-1 du même code », ce dernier article visant les « cas de risque sanitaire grave et exceptionnel, notamment d’épidémie », ainsi que pour « procéder à des tests de dépistage du covid 19 selon un protocole défini par arrêté des ministres chargés de la santé et du travail », le décret d’application relatif aux arrêts de travail, dont le projet a été versé au contradictoire à l’issue de l’audience, devant intervenir sous quelques jours, et le protocole pour le dépistage devant être élaboré lorsque la nature des tests à mettre en œuvre sera précisée.
- Conseil d’État, 15 avril 2020, Association Coronavictimes et autres (N° 439910) : Accès aux soins des personnes résidant en EHPAD.
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/conseil-d-etat-15-avril-2020-acces-aux-soins-des-personnes-residant-en-ehpad
Décision 439910 :
28. Il résulte de l’instruction que, contrairement à ce qu’allèguent les requérants, plusieurs mesures ont été prises par l’Etat dans le contexte de l’épidémie de covid-19 en vue de permettre aux personnes souffrant d’une infection liée à ce coronavirus de bénéficier à domicile ou en EHPAD de soins leur garantissant une « fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance ». A ce titre, l’arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 1er avril 2020 complétant l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire a facilité, du point de vue administratif, l’intervention des établissements et structures d’hospitalisation à domicile y compris au profit des résidents des EHPAD. En outre, les agences régionales de santé ont mis en place une astreinte « soins palliatifs » dédiée aux établissements sociaux et médico-sociaux en vue de faciliter la mobilisation de l’hospitalisation à domicile ou des équipes mobiles et/ou territoriales de soins palliatifs au bénéfice de pensionnaires des EHPAD. De plus, les décrets du 28 mars 2020 et du 14 avril 2020 complétant le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ont autorisé jusqu’au 11 mai 2020, au bénéfice des patients atteints ou susceptibles d’être atteints par le covid-19 et dont l’état clinique le justifie, d’une part, par dérogation à l’article R. 5121-82 du code de la santé publique, la dispensation, dans certaines conditions, des spécialités pharmaceutiques à base de paracétamol sous une forme injectable pour permettre la prise en charge de la fièvre et de la douleur de ces patients, d’autre part, par dérogation à l’article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, la dispensation, dans certaines conditions, de la spécialité pharmaceutique « Rivotril » sous forme injectable, en vue de la prise en charge palliative de la dyspnée et de la détresse respiratoire de ces patients. Enfin, il a été indiqué à l’audience de référé par les représentants du ministère des solidarités et de la santé qu’il existe encore, à ce stade, des marges de mobilisation possible des services d’hospitalisation à domicile et des équipes mobiles et/ou territoriales de soins palliatifs, y compris dans les régions où l’épidémie de covid-19 est la plus sévère.
- Conseil d’État, 15 avril 2020, Union nationale des syndicats Force Ouvrière santé privée et autres (N° 440002) : Dépistage systématique et régulier des personnes résidant en EHPAD.
Décision 440002 :
11. Il résulte des déclarations des représentants du ministre lors de l’audience du 13 avril 2020 et des indications figurant dans son mémoire du 14 avril que les autorités de l’Etat ont pris des mesures pour augmenter le nombre de masques de protection disponibles, en déployant une politique d’importation massive et en encourageant la production nationale, qui devrait passer d’environ 6 millions de masques par semaine en mars à plus de 10 millions par semaine en mai 2020. Au 10 avril 2020, le total des commandes notifiées représentait un volume de plus de 2 milliards de masques, dont environ trois quarts de masques chirurgicaux et un quart de masques FFP2. Les livraisons effectives, qui dépendent des capacités de production et d’acheminement de fournisseurs localisés majoritairement en Chine, et de la situation de forte concurrence sur le marché mondial, se sont élevées à plus de cinquante millions de masques depuis le début du mois d’avril. Dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’enjoindre aux autorités de l’Etat de modifier leur politique de réquisition encadrée par les dispositions de l’article 12 du décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l’attitude des autorités administratives, compte tenu des moyens dont elles disposent et des mesures déjà prises, serait constitutive d’une carence caractérisée portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, justifiant que le juge des référés ordonne à bref délai des mesures de sauvegarde.
12. Les conclusions relatives aux matériels de protection autres que les masques ne sont pas assorties de précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne les matériels d’oxygénation :
13. Enfin, si les requérants soutiennent qu’aucun plan n’a été mis en place au niveau national pour la production et la distribution aux EPHAD de matériel permettant une oxygénation à haut débit pour les résidents dont l’état ne nécessite pas une hospitalisation, il résulte de l’instruction que le ministre chargé de la santé a défini une stratégie de gestion de l’oxygène médical en EHPAD et à domicile, qui a fait l’objet d’une diffusion aux agences régionales de santé le 2 avril 2020 et que, compte tenu des tensions observées sur l’approvisionnement en concentrateurs individuels, de nouvelles consignes relatives à la gestion de l’oxygène en EHPAD ont été diffusées par le ministère le 11 avril, en vue d’assouplir les conditions d’accès à des solutions alternatives d’oxygénation. Il résulte de ces éléments non contestés que ne peut être relevée à l’encontre des autorités de l’Etat aucune carence de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
- Conseil d’État, 10 avril 2020 Conseil national des barreaux et autres, Syndicat des avocats de France et autre (Nos 439883 et 439892) : Adaptation du fonctionnement des juridictions judiciaires.
Décisions 439883 et 439892 :
9. L’article 4 de l’ordonnance prévoit des modalités simplifiées de renvoi des audiences ou des auditions supprimées et indique que, dans les cas où les parties ne sont pas représentées ou assistées par un avocat et n’ont pas consenti à la réception des actes sur le « Portail du justiciable », la décision est rendue par défaut lorsque le défendeur ne comparaît pas.
10. En procédant ainsi, l’article 4 de l’ordonnance n’a pas porté une atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale, de telles dispositions étant destinées, d’une part, à augmenter la possibilité de porter à la connaissance effective des parties le renvoi de leur affaire ou audition, alors que les modalités habituelles d’information ne leur sont plus toujours accessibles, et, d’autre part, pour les parties qui ne sont pas représentées ou assistées par un avocat et qui n’ont pas consenti à la réception des actes sur le « Portail du justiciable », de préserver les droits des défendeurs qui ne comparaîtraient pas à l’audience, ces derniers bénéficiant dans ce cas, dès lors que la décision est rendue par défaut, d’un double de degré de juridiction.
- Conseil d’État, 8 avril 2020, Syndicat national pénitentiaire Force Ouvrière – Personnels de surveillance (N° 439821) : Mesures sanitaires pour les détenus.
Décision 439821 :
10. Il résulte de l’instruction que, depuis que l’épidémie de covid-19 a atteint la France et au fur et à mesure de l’évolution des stades 1, 2 et 3 de l’épidémie, le ministre de la justice a édicté, au moyen de plusieurs instructions adressées aux services compétents, un certain nombre de mesures visant à prévenir le risque de propagation du virus au sein des établissements pénitentiaires. Dès le 27 février 2020, il a ainsi été décidé de limiter les circulations humaines entre intérieur et extérieur ainsi que les mouvements internes en détention et demandé qu’il soit strictement veillé au respect des règles de sécurité sanitaire. Le 17 mars 2020 étaient décidées la suspension des activités socio-culturelles et d’enseignement, du sport en espace confiné, des cultes, de la formation professionnelle, du travail ainsi que la suspension des visites aux parloirs, parloirs familiaux et unités de vie familiale et des entretiens avec les visiteurs de prison. Ces instructions définissent des orientations générales et arrêtent des mesures d’organisation du service public pénitentiaire qu’il revient aux chefs des 187 établissements pénitentiaires de mettre en œuvre et d’appliquer sous l’autorité des directions interrégionales des services pénitentiaires. Il appartient aux chefs d’établissements pénitentiaires, responsables de l’ordre et de la sécurité au sein de ceux-ci, de s’assurer du respect des consignes données pour lutter contre la propagation du virus et de prendre, dans le champ de leurs compétences, toute mesure propre à garantir le respect effectif des libertés fondamentales des détenus et des personnes y travaillant ou y intervenant.
11. Il résulte de l’instruction que le nombre de personnes détenues dans les établissements pénitentiaires diminue régulièrement depuis le 17 mars 2020, sous l’effet conjugué de la baisse du nombre d’écrous et de l’application des dispositifs de libération des personnes détenues prévues par l’ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale. Alors que le nombre de détenus s’élevait, au 16 mars 2020, à 72 575 dont 22 606 en maisons d’arrêt, il est, au 2 avril 2020 de 65 757 dont 19 930 en maisons d’arrêt. S’agissant de la contamination par le virus Covid-19, on recense, parmi les personnes détenues, le 6 avril 2020, 63 cas confirmés et 697 confinements sanitaires correspondant aux cas symptomatiques et aux personnes placées en quatorzaine. Parmi les agents du service public pénitentiaire qui sont environ au nombre de 35 000, étaient recensés, à la même date, 377 cas confirmés et 1 512 cas symptomatiques.
En ce qui concerne le prolongement des mesures prescrites par la note du 17 mars 2020 :
13. Si le syndicat requérant demandait la prolongation, jusqu’au terme de l’état d’urgence sanitaire, des mesures générales prescrites par l’instruction ministérielle du 17 mars 2020, il résulte des échanges au cours de l’audience publique qu’il a pris acte de la décision, qui résulte d’une note du 30 mars 2020, de prolonger ces mesures jusqu’au 24 mai 2020 et qu’il a considéré que sa demande était satisfaite sur ce point.
En ce qui concerne la distribution de masques, de gants et de gel hydro-alcoolique :
14. Le syndicat requérant demande que soit ordonnée la mise à disposition des personnels des établissements pénitentiaires de masques de protection, gants et gel hydro- alcoolique en quantité suffisante pour assurer leur protection au moins jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire.
S’agissant de la distribution de masques :
15. D’une part, il résulte de l’instruction que la ministre de la justice a décidé, en complément des « mesures barrière » déjà mises en place (approvisionnement en produits permettant un lavage régulier des mains, limitation stricte des contacts physiques, respect de la distanciation sociale, nettoyage renforcé et aération régulière des locaux), d’organiser un « anneau sanitaire » en imposant le port d’un masque de protection à certaines catégories du personnel pénitentiaire. Par une instruction ministérielle en date du 31 mars 2020, il a ainsi été décidé d’imposer le port d’un masque chirurgical à l’ensemble des agents se trouvant en contact à la fois direct et prolongé avec les personnes détenues. Il résulte de l’instruction qu’à la date de la présente ordonnance, un stock de 260 000 masques chirurgicaux a été alloué à l’administration pénitentiaire à cet effet. Le ministère de la justice s’est en outre engagé à assurer, sans rupture, l’approvisionnement en masques chirurgicaux de façon à satisfaire l’ensemble des besoins journaliers qu’il évalue, à raison de deux masques par agent pour chaque jour de présence au travail, à environ 17 600.
16. D’autre part, il résulte des termes de la note du 31 mars 2020 ainsi que des explications données par le représentant du ministère de la justice au cours de l’audience publique que la liste des 19 catégories d’agents dits « de contact » qui y figure n’est pas exhaustive et qu’il appartient à chaque chef d’établissement de l’adapter en fonction des modalités concrètes de l’organisation du travail au sein de sa structure afin de permettre à chaque agent appelé à se trouver, même occasionnellement, en contact direct et prolongé avec des personnes détenues, d’être doté d’un masque de protection. Eu égard à la nécessité de développer, de manière particulièrement accrue pendant l’état d’urgence sanitaire, la polyvalence entre agents et au recours à la redistribution des tâches entre agents que préconise la note du 31 mars 2020 afin de confier, à titre temporaire, à une proportion des personnels moins importante qu’en temps normal, l’ensemble des fonctions impliquant un contact avec les personnes détenues, il incombe aux chefs d’établissement de veiller à ce que la dotation en masques de protection se fasse non seulement à l’occasion de la prise de fonctions mais aussi, le cas échéant, en cours de journée, au moment d’un changement de poste ou d’une intervention impliquant nécessairement un contact direct et prolongé avec une personne détenue.
17. Il s’ensuit qu’il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, qu’eu égard à la stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée des masques mise en place à l’échelle nationale, en l’état du nombre de masques de protection actuellement disponibles, l’instruction concernant la distribution et l’utilisation de masques chirurgicaux par les personnels pénitentiaires révèlerait une carence portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale invoquée.
S’agissant de la distribution de gants et de gel hydro-alcoolique :
18. En premier lieu, il résulte de l’instruction et, en particulier, des déclarations du représentant du ministère de la justice au cours de l’audience publique, que consigne sera donnée aux chefs d’établissement de doter les personnels pénitentiaires d’un nombre suffisant de gants à usage unique pour permettre à chaque agent de s’en trouver muni dès lors qu’il procède à une intervention impliquant un contact direct avec une personne détenue, à une fouille avec palpation ou à une fouille de cellules. Au demeurant, le syndicat requérant en a pris acte, au cours de l’audience publique et a considéré que sa demande était satisfaite sur ce point.
19. En second lieu, il résulte de l’instruction que, le 26 mars 2020, 2 020 litres de gel hydro-alcoolique ont été livrés aux directions interrégionales des services pénitentiaires et que le ministère de la justice s’est engagé à en livrer, à destination des personnels pénitentiaires, 2 500 litres par semaine. Au demeurant, le syndicat requérant en a pris acte, au cours de l’audience publique et a considéré que sa demande était également satisfaite sur ce point.
20. Il s’ensuit qu’il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, de carence, en ce qui concerne la mise à disposition de gants et de gel hydro-alcoolique, susceptible de porter, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie des personnels pénitentiaires.
En ce qui concerne la suspension du régime « Portes ouvertes » et la définition de consignes relatives au déroulement des promenades :
21. Le syndicat requérant, qui invoque notamment l’absence de respect, par certaines personnes détenues, des « gestes barrières », soutient que les mesures restrictives décidées par l’instruction du 17 mars 2020 rappelées au point 10 sont manifestement insuffisantes pour éviter les risques de contamination croisée entre détenus et personnels pénitentiaires et pour lutter efficacement contre la propagation du virus en milieu carcéral.
- Conseil d’État, 4 avril 2020, Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe (Nos 439904 et 439905) : Doses d’hydroxychloroquine et tests de dépistage au CHU de Guadeloupe.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne raison aux requérants l’ayant saisi !
Décisions 439904 et 439905 :
14. Il résulte des éléments fournis par le centre hospitalier universitaire que sa pharmacie à usage intérieur dispose à ce jour de stocks suffisants pour assurer le traitement des patients auxquels sont administrés de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine dans les conditions mentionnées ci-dessus. Cet établissement a, en outre, passé commande de 9 000 comprimés de Plaquenil et de 600 comprimés de Zithromax, spécialité à base d’azithromycine, auprès des laboratoires Sanofi et Pfizer, qui commercialisent ces spécialités, permettant de traiter, en fonction de la durée du traitement, de deux à quatre cents nouveaux patients. Il résulte également de l’instruction que l’agence régionale de santé de la Guadeloupe, agissant sur le fondement de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique, a recensé, à partir du 18 mars 2020, les stocks de ces médicaments dont disposaient les grossistes-répartiteurs, les a alertés sur le cadre de leur emploi pour le traitement du covid-19 et a apporté une aide logistique aux établissements de santé pour que les médicaments commandés puissent être livrés dans des délais raisonnables. L’Union générale des travailleurs de Guadeloupe ne conteste pas ces éléments mais soutenait, devant le juge des référés du tribunal administratif, que des commandes devaient être passées de façon à disposer de stocks d’hydroxychloroquine et d’azithromycine permettant d’assurer le traitement de 20 000 patients atteints de covid-19. Alors qu’un tel traitement, eu égard à son encadrement, ne peut être administré qu’à un nombre limité de patients et que plusieurs autres molécules font l’objet d’essais cliniques dont les résultats sont attendus prochainement, il ne peut être reproché au centre hospitalier universitaire et à l’agence régionale de santé de carence caractérisée, dans l’usage des pouvoirs dont ils disposent, constitutive d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Sur les commandes de tests de dépistage du covid-19 :
15. Les autorités nationales ont fait le choix, compte tenu des capacités alors existantes, d’établir des priorités pour la réalisation de « tests PCR » de diagnostic virologique, en suivant les critères proposés par le Haut Conseil de la santé publique, en dernier lieu dans un avis provisoire du 10 mars 2020. Ainsi que l’a annoncé le ministre des solidarités et de la santé le 21 mars 2020, pour être en mesure d’éviter de nouvelles contagions à l’issue du confinement, elles prennent toutefois les dispositions nécessaires pour accroître les capacités de dépistage, notamment par le développement de tests sérologiques, reposant sur la recherche d’anticorps, dont la fiabilité doit cependant encore faire l’objet d’évaluations. Cette stratégie est en cours d’élaboration avec l’éclairage du comité de scientifiques constitué au titre de l’état d’urgence sanitaire déclaré pour faire face à l’épidémie de covid-19.
16. Il résulte des éléments fournis par le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe que celui-ci recourt, pour les patients hospitalisés en son sein, à l’institut Pasteur de Guadeloupe, qui réalise chaque jour une centaine de « tests PCR », dispose d’un stock de réactifs pour accomplir 1 500 tests et a commandé récemment 4 000 lots supplémentaires. Le centre hospitalier universitaire a en outre passé commande d’un équipement de PCR rapide qui permettra d’augmenter la capacité de 180 tests par jour. Enfin, tant ce centre que l’institut Pasteur de Guadeloupe et le centre hospitalier Maurice Selbonne, en lien avec l’agence régionale de santé de la Guadeloupe, ont passé commande de 200 tests sérologiques chacun, auprès de fournisseurs différents, pour en évaluer la fiabilité. Si ces commandes ne couvrent pas les besoins à venir de l’ensemble de la population de la Guadeloupe, tels qu’ils pourront être appréciés dans la perspective de la fin du confinement, il ne résulte pas de l’instruction qu’en l’état de la situation à ce jour, alors que, ainsi qu’il a été indiqué, la fiabilité des tests, très récemment mis au point, doit encore être évaluée, le centre hospitalier universitaire et l’agence régionale de santé auraient porté, par une carence caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
17. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des requêtes, le centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe et le ministre des solidarités et de la santé sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par l’article 2 de son ordonnance du 27 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a enjoint à ce centre et à l’agence régionale de santé de passer commande des doses nécessaires au traitement des patients atteints de covid-19 par hydroxychloroquine et azithromycine et de tests de dépistage du covid-19 en nombre suffisant pour couvrir les besoins présents et à venir de la population de l’archipel guadeloupéen.
- Conseil d’État, 2 avril 2020, Fédération nationale droit au logement et autres (N° 439763) : Droit au logement.
Décision 439763 :
8. Il résulte de l’instruction que, par différentes mesures, notamment le report jusqu’au 31 mai de la trêve hivernale et de la fermeture des places d’hébergement ouvertes pendant l’hiver, le recours à des nuitées d’hôtel et à des structures d’hébergement touristique par la passation d’accords avec des professionnels de ces secteurs, l’utilisation de structures d’accueil provisoires telles que des gymnases ou des salles polyvalentes ainsi que par la réquisition d’immeubles vacants, les capacités d’hébergement pour les personnes sans domicile s’élèvent à la fin du mois de mars à près de 170 000 places contre 157 000 avant la présente crise, auxquelles s’ajoutent près de 200 000 places en logement adapté. Les requérantes et les intervenantes n’ont pas contesté ces chiffres lors de l’audience ni la réalité de l’effort réalisé par les services de l’Etat dans le contexte actuel de crise sanitaire mais elles soutiennent que cet effort demeure insuffisant au regard de la réalité des besoins des populations en cause ainsi que des moyens d’action dont s’est doté l’Etat dans le cadre de cette crise. Toutefois, outre que les capacités d’hébergement ainsi mobilisées n’ont jamais été aussi importantes, l’administration fait valoir qu’elle poursuit ses efforts pour les accroître encore à brève échéance, notamment par les négociations en cours avec les professionnels des secteurs de l’hôtellerie et des centres de vacances afin d’identifier le plus rapidement possible les disponibilités supplémentaires, sans exclure de recourir à des réquisitions si cela s’avérait nécessaire.
9. S’agissant des structures d’accueil existantes, tels que les centres d’hébergement, il résulte de l’instruction qu’y ont été diffusées des instructions précises relatives à la prévention du covid-19 prescrivant l’observation des mesures d’hygiène et prévoyant la mise en place de zones d’accueil spécifiques pour les personnes présentant des symptômes ne justifiant pas leur hospitalisation. En outre, une trentaine de centres d’hébergement spécialisés pour l’accueil de personnes sans domicile présentant des symptômes ne justifiant pas leur hospitalisation ont en outre été mis en place, représentant un total d’environ 1 300 places dont à peine 20 % sont actuellement occupées. Il appartient, en tout état de cause, aux autorités responsables de ces centres de s’assurer du respect des consignes données pour lutter contre la propagation du virus.
10. En outre, si des structures collectives provisoires telles que des gymnases ont été mobilisées, structures qui, ainsi que le soulignent les requérantes et les intervenantes, apparaissent peu adaptées à la pandémie actuelle, il ressort de l’instruction que ce type d’hébergement ne représente qu’un nombre limité de places, le total théorique d’environ 1 600 places n’étant en pratique que partiellement utilisé. L’administration fait valoir qu’il s’agit d’une solution provisoire à laquelle elle a été contrainte d’avoir recours dans un contexte d’extrême urgence pour être prête à faire face à des situations d’afflux brutal, notamment dans des zones où aucune autre solution n’était immédiatement disponible, mais qui a vocation à ne conserver qu’un rôle résiduel grâce à l’augmentation en cours des capacités d’hébergement dans des hôtels ou dans des centres touristiques, voire par le recours à des réquisitions si cela s’avère nécessaire.
11. S’agissant des personnes sans domicile fixe qui se trouvent encore à la rue, les requérantes et les intervenantes font valoir qu’un certain nombre de ces personnes ont été verbalisées pour manquement au respect de l’obligation de confinement à domicile dans des conditions qui non seulement portent atteinte à leur dignité mais les exposent, en cas de verbalisation renouvelée, à des peines de prison. Toutefois, outre que l’administration soutient qu’il s’agit de cas isolés et non significatifs au plan national liés à l’impératif d’assurer un respect aussi strict que possible de l’obligation de confinement, il résulte des éléments versés au dossier dans le cadre de la prolongation de l’instruction contradictoire décidée à l’issue de l’audience, que la cellule interministérielle de crise covid-19 a, par une note du 31 mars, instruit les agents constatant la présence de sans-abris sur la voie publique, d’une part, de ne procéder à aucune verbalisation, l’obligation de confinement à domicile ne pouvant être appliquée à ces personnes, et, d’autre part, d’alerter de leur situation les services qui leur viennent en aide, tels que le « SAMU social », afin qu’ils se rapprochent d’elles sans délai pour leur apporter assistance et notamment leur permettre de rejoindre un lieu d’accueil temporaire compatible avec les mesures sanitaires.
12. Dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, de carence justifiant que soit ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit au droit à la vie et à la protection de l’intégrité physique et psychique des personnes sans hébergement, la fermeture des lieux d’hébergement collectif existants et la réquisition d’appartements ou de chambres d’hôtel que demandent les requérantes, le juge des référés n’ayant pas à se prononcer sur l’opportunité des décisions de l’autorité administrative.
En ce qui concerne la distribution de masques et les mesures de dépistage :
13. D’une part, s’agissant de la distribution de masques de protection, il résulte de l’instruction qu’une stratégie de gestion et d’utilisation maîtrisée des masques a été mise en place à l’échelle nationale et a fait l’objet d’adaptations en fonction de l’évolution de l’épidémie, visant à assurer en priorité, dans un contexte de forte tension, la fourniture des masques disponibles aux personnels soignants et aux personnels accompagnant à leur domicile certaines personnes vulnérables. A ce titre, l’instruction du 25 mars 2020, qui précise les modalités d’approvisionnement en masques des établissements médico-sociaux prévoit la distribution de masques dans les centres d’hébergement spécialisés pour personnes atteintes de symptômes ne justifiant pas leur hospitalisation. En revanche, ainsi que le déplorent les requérantes et les intervenantes, les personnels accompagnant les personnes sans domicile ne sont pas au nombre de personnes visées par l’article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, auxquelles sont distribuées gratuitement, par l’intermédiaire des officines de pharmacie, les masques de protection issues du stock national. Toutefois, le décret n° 2020-281 du 20 mars 2020 modifiant le décret n° 2020-247 du 13 mars 2020 relatif aux requisitions nécessaires dans la lutte contre le virus covid-19 a ouvert aux opérateurs du champ social, dont relèvent les travailleurs sociaux concernés, la possibilité d’importer, avec l’appui de l’Etat, et de distribuer par leurs propres réseaux les masques nécessaires. Cette possibilité est en outre également ouverte aux collectivités territoriales. Dans ces conditions, la non inclusion des travailleurs sociaux dans les publics vises par l’article 3 de l’arrêté du 23 mars 2020 ne porte pas une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à la vie et au respect de leur intégrité physique.
14. D’autre part, s’agissant de la mise en place d’un dépistage systématique des personnes accueillies dans des structures collectives ou y travaillant, que les requérantes et les intervenantes évaluent à plusieurs dizaines de milliers de personnes, il résulte de l’instruction que, face aux tensions resultant des capacités contraintes en termes de dépistage, les autorités ont pris les dispositions nécessaires pour augmenter ces capacités dans les meilleurs délais dans la perspective de la sortie du confinement, et que, en attendant, les tests sont pratiqués selon des critères de priorité constamment ajustés et fixés, en tenant compte de l’avis du haut Conseil de la santé publique. Dans ces conditions, les conclusions aux fins d’injonction tendant à ce qu’il soit procédé à un dépistage systématique de toutes les personnes hébergées ou travaillant dans des structures collectives ne peuvent, en tout état de cause, en l’état de l’instruction et eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qu’être rejetées.
15. En l’absence, en l’état de l’instruction, d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, les demandes présentées au juge des référés du Conseil d’Etat, ne peuvent être accueillies.
16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, la requête de la Fédération nationale Droit au logement et autres doit être rejetée.
- Conseil d’État, 2 avril 2020, Fédération nationale des marchés de France (N° 439762) : Demande de réouverture des marchés alimentaires.
Décision 439762 :
12. Il résulte enfin de l’instruction, en particulier des éléments produits en défense, que le nombre des autorisations préfectorales augmente régulièrement depuis l’entrée en vigueur du décret du 23 mars 2020 et a vocation à continuer de s’élever au fur et à mesure qu’il apparaîtra que l’ouverture d’un marché alimentaire peut s’accompagner des mesures d’organisation permettant de prévenir le risque sanitaire, notamment en ce qui concerne la gestion des flux et le respect des distances. Dans ces conditions, les dispositions litigieuses, dont il ne résulte pas de l’instruction qu’elles entraîneraient un phénomène d’afflux dans les magasins d’alimentation sédentaires, ménagent un juste équilibre entre la nécessité de garantir la santé publique et la satisfaction des besoins d’approvisionnement de la population. Il s’ensuit qu’il ne résulte pas de l’instruction que serait méconnue l’obligation posée par l’article L. 3131-15 du code de la santé publique précité que les mesures prises sur son fondement soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.
13. Il résulte des motifs énoncés aux points 10 à 12 qu’eu égard à l’objectif de sauvegarde de la santé publique que poursuit l’interdiction contestée, à son caractère provisoire, à la perspective que se développent sur l’ensemble du territoire, dans le respect des règles de sécurité sanitaire, les autorisations d’ouverture des marchés alimentaires ainsi qu’aux mesures de soutien mises en place par l’Etat, notamment le fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation créé par l’ordonnance du 25 mars 2020, auxquelles sont éligibles les entreprises de commerce et d’artisanat non sédentaires, les dispositions litigieuses ne caractérisent, en l’état de l’instruction, aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre, à la liberté du commerce et de l’industrie qui en est une composante et la liberté d’exercice d’une profession.
14. En deuxième lieu, les dispositions litigieuses qui confient, ainsi qu’il a été dit, au représentant de l’Etat dans le département la faculté d’autoriser, après un avis du maire de la commune concernée qui ne le lie pas, l’ouverture d’un marché alimentaire, par dérogation à l’interdiction générale qu’elles édictent, n’affectent ni la compétence du conseil municipal pour créer ou supprimer les halles et marchés communaux ni celle du maire pour autoriser ou refuser l’occupation du domaine public communal. Il s’ensuit qu’elles ne portent aucune atteinte à la libre administration des collectivités territoriales.
15. En troisième et dernier lieu, la méconnaissance du principe d’égalité ne saurait révéler, par elle-même, une atteinte à une liberté fondamentale au sens de l’article.
- Conseil d’État, 28 mars 2020, M. A.A. et autres (N° 439765) : Demande de recommandation temporaire d’utilisation pour le Plaquenil (Covid-19).
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/conseil-d-etat-28-mars-2020-smaer-demande-de-mesures-pour-production-de-masques-depistage-administration-hydroxychloroquine-et-azithromycine
Décision 439765 :
13. Par les décrets des 25 et 26 mars 2020, le Premier ministre a permis la prescription de l’hydroxychloroquine aux patients atteints de covid-19 pris en charge dans un établissement de santé, sous la responsabilité du médecin prescripteur et dans le respect des recommandations du Haut Conseil de la santé publique, notamment quant au développement de la pathologie. Il a en revanche limité l’usage de la spécialité pharmaceutique en médecine de ville, en interdisant sa dispensation en pharmacie d’officine en dehors des indications de son autorisation de mise sur le marché. De telles mesures, entrant dans le champ des dispositions de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique et conformes aux préconisations du Haut Conseil de la santé publique, à défaut de « données acquises de la science » à ce jour, sont susceptibles d’évolution dans des délais très rapides, conformément aux déclarations du ministre des solidarités et de la santé, au vu des premiers résultats de l’essai clinique européen. Dans ces conditions, le choix de ces mesures ne peut être regardé, en l’état de l’instruction, comme portant une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie et au droit de recevoir, sous réserve de son consentement libre et éclairé, les traitements et les soins appropriés à son état de santé, tels qu’appréciés par le médecin.
- Conseil d’État, 28 mars 2020, SMAER (N° 439726) : Demande de mesures pour production de masques, dépistage, administration hydroxychloroquine et azithromycine (Covid-19).
Décision 439726 :
11. Il résulte de la conférence de presse du ministre des solidarités et de la santé du 21 mars 2020 et des éléments transmis par celui-ci dans la présente instance, d’une part, que les autorités ont pris les dispositions avec l’ensemble des industriels en France et à l’étranger pour augmenter les capacités de tests dans les meilleurs délais, et les diversifier notamment pour permettre qu’un grand nombre puissent être pratiqués dans les laboratoires de biologie médicale, dans la perspective de la sortie du confinement qui n’interviendra pas avant le 15 avril prochain, et d’autre part, que la limitation des tests en attendant, selon les critères de priorité constamment ajustés et fixés, en dernier lieu, par un avis provisoire du haut conseil de la santé publique en date du 10 mars 2020, résulte d’une insuffisante disponibilité des matériels. Les conclusions aux fins d’injonction tendant à ce qu’il soit procédé massivement à des tests de dépistage et à ce que ces tests puissent être pratiqués dans les laboratoires de biologie médicale ne peuvent, par suite, eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qu’être, en tout état de cause, rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : Les interventions de la fédération des médecins de France, de M. A.A. et de M. A.B. sont admises.
Article 2 : La requête du Syndicat des Médecins Aix et Région est rejetée.
Conseil d’État, 28 mars 2020, Mme A.A. et autres (N° 439693) : Demande de mesures pour mise à disposition de matériel aux personnels de santé (Covid-19).
Décision 439693 :
6. S’agissant des matériels de protection autres que les masques, il ne résulte pas de l’instruction que des difficultés notables d’approvisionnement justifieraient que soient prises au plan national d’autres mesures que celles qui sont, actuellement, mises en œuvre pour assurer le suivi des besoins en la matière.
7. S’agissant de l’approvisionnement en masques, il résulte de l’instruction, et en particulier des éléments présentés par le ministre des solidarités et de la santé lors de l’audience et non contestés, que lors du début de l’épidémie de covid-19, le stock d’Etat comportait 117 millions de masques anti-projections aussi dit chirurgicaux, qui ont avant tout pour fonction de protéger les personnes en contact avec les porteurs du masque, et aucun stock stratégique de masques dits FFP2, conçus plus spécifiquement pour protéger le porteur lui-même, ces deux types de masques ayant une durée d’usage limitée à quelques heures.
(…)
9. Il est vrai, d’une part, qu’une partie seulement des masques qui sont mis à disposition des médecins et infirmiers de ville sont, à ce jour, de type FFP2, alors que ceux-ci sont nécessaires pour assurer une protection satisfaisante et doivent être changés au moins toutes les huit heures, et d’autre part, que la dotation de masques chirurgicaux est encore, quantitativement insuffisante, pour que ceux-ci soient aussi portés, à défaut, par les patients pris en charge. Toutefois, cette situation devrait connaître une nette amélioration au fil des jours et semaines à venir compte tenu des mesures évoquées au point 7.
- Conseil d’État, 27 mars 2020, GISTI et autres (N° 439720) : Demande de fermeture temporaire des centres de rétention administrative (CRA).
Décision 439720 :
16. (…) Dans ces conditions, il n’apparaît pas, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, que devrait être ordonnée, au motif d’une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, la fermeture temporaire de l’ensemble des centres de rétention administrative par la mesure de portée générale que demandent les organisations requérantes, alors que la loi donne au juge des libertés et de la détention compétence pour mettre fin à la rétention lorsqu’elle ne se justifie plus pour quelque motif que ce soit.
17. En l’absence, en l’état de l’instruction, d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la demande présentée au juge des référés, à qui il n’appartient pas de se prononcer sur l’opportunité des décisions de l’autorité administrative ni de juger de la cohérence de ces décisions avec d’autres actions menées par les pouvoirs publics, ne peut être accueillie.
REJET
- Conseil d’état, 22 mars 2020, Syndicat des jeunes médecins (N° 439674) : Le syndicat demande un confinement total de la population.
ATTENTION : Le Conseil d’État donne raison aux requérants l’ayant saisi !
Décision 439674 :
Article 1er : Les interventions de l’InterSyndicale Nationale des Internes, du Conseil National de l’Ordre des médecins et de M. Le Mailloux sont admises.
Article 2 : Il est enjoint au Premier ministre et au ministre de la santé, de prendre dans les quarante-huit heures les mesures suivantes :
– préciser la portée de la dérogation au confinement pour raison de santé ;
– réexaminer le maintien de la dérogation pour « déplacements brefs, à proximité du domicile » compte tenu des enjeux majeurs de santé publique et de la consigne de confinement ;
– évaluer les risques pour la santé publique du maintien en fonctionnement des marchés ouverts, compte tenu de leur taille et de leur niveau de fréquentation.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.